ESSENTIAL KILLING

Dans le désert (de l’Afghanistan ?) un présumé taliban est capturé par les forces américaines. Enfermé dans un centre de détention tenu secret, il est interrogé, torturé, puis transféré vers un pays d’Europe Centrale (la Pologne ?). Suite à un accident de voiture, il parvient à s’échapper et se lance dans une course acharnée pour sa survie, perdu dans une forêt enneigée, traqué sans cesse comme une bête sauvage.

Dans le rôle du fugitif, on retrouve non pas un acteur arabe mais un Vincent Gallo complétement mutique, méconnaissable et incroyable ! Il porte à lui tout seul quasi tout le film, performance qui lui a valu le prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise en 2010. Le film a quant à lui remporté le Prix Spécial du Jury.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, « Essential Killing » n’est ni un film politique, ni un film de guerre. Skolimowski ne prend jamais position et ne cherche pas à dénoncer la guerre en Afghanistan : « C’est à une chasse à l’homme que je me suis intéressé, à l’idée qu’en temps de guerre ou dans toute situation se résumant au besoin primal de survivre, tout être humain peut être à la fois prédateur et proie. »
Même si le réalisateur choisit de présenter le point de vue (aussi bien au niveau visuel qu’auditif) du taliban, poussant le spectateur à s’identifier avec lui, il ne tente jamais de rendre son personnage ‘bon’ ou attachant. En effet, même si on souffre avec le fugitif quand il se prend le pied dans un piège à loups, on n’en est pas moins rebuté quand on le voit tuer un bûcheron qui ne présentait pas vraiment un obstacle à sa survie.
Il y a cependant des éléments comme la scène de torture clairement inspirée des techniques utilisées par les américains à Guantanamo qui parlent d’eux–mêmes… Mais là aussi on pourrait dire que le film présente juste des faits, et c’est le regard du spectateur qui tire les conclusions et choisit d’y voir ou non un jugement.

Au niveau formel, les amours de Skolimowski pour la boxe et la peinture semblent être une belle source d’inspiration car sa mise en scène ’coup de poing’ est parfaitement bien rythmée, et son excellent sens du cadre donne lieux à des images d’une beauté époustouflante ! La musique ainsi que la bande-son mettant l’accent sur les bruits et le souffle du personnage, jouent elles-aussi un rôle très important dans le film.

Loin d’être juste un thriller ou un film d’action, « Essential Killing » est une véritable expérience sensorielle à vivre intensément pendant ces 83 minutes en compagnie d’un homme qui lutte pour sa survie dans un monde qui lui est inconnu et hostile.

Nadia Vodenitcharov