Comédie dramatique
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ENFERMES DEHORS

Albert Dupontel

88 min.
5 avril 2006
ENFERMES DEHORS

Faut-il croire à la vérité du proverbe " L’habit fait le moine " ?
La question ne relève pas d’un quizz dominical mais elle anime tout un film a priori déjanté et destroy mais qui se révèle, en fin d’un parcours plutôt frénétique, profondément humain et sacrément sarcastique.

Un SDF trouve un uniforme de policier, il l’enfile et commence alors une série de quiproquos au cours desquels il aidera une mère à retrouver son enfant et un PDG magouilleur à prendre conscience de la pertinence de cet autre dicton : " L’argent ne fait pas le bonheur ".

Le domaine de prédilection de Dupontel est celui de la marge, de l’inattendu, de la faille dans laquelle il arrive à s’insérer pour rendre une sorte d’hommage à ceux sur lesquels le regard d’habitude glisse quand il ne se pose pas accusateur et critique.

Qu’il s’agisse d’un orphelin névrosé, comme dans " Bernie " ou d’un dramaturge meurtrier comme dans " Le Créateur ", les deux films qu’il a réalisés , Dupontel ne travaille pas dans la dentelle. Il explose, il éructe, il pique des colères à la façon d’un Glucksmann qui dans son dernier livre " Une rage d’enfant " tente de perturber les conforts insoucieux et égoïstes, de désenclaver de la misère sociale ceux que la vie a relégués dans ses arrière-cours.

Sa démarche oscille entre le geste burlesque d’un Keaton (la scène du détartrage raté au Tippex), l’attitude poétique d’un Charlot (le coup de sifflet qui contraint les nuages à s’arrêter pour laisser passer une rangée de moineaux) et la corporalité dynamique d’un Harold Lloyd.

Compendium d’une multitude de petites anecdotes surréalistes, le film pose sur la société actuelle un regard qui rappelle la sollicitude du " Docteur Sachs " (*) pour la souffrance des êtres humains et la fragilité des liens qui les unissent à une société dont ils peuvent à tout instant se faire exclure - devenant ainsi des " Enfermés dehors ".

La présence de deux anciens Monthy Python (les Terry Gilliam et Jones) donne au film une note à la fois grotesque et satirique comme celle de ce PDG qui agonise branché à la fois sur des machines médicales et sur les cours de la bourse…

Le mot " faim " qui clôture la presque heure et demi de projection rappelle, avec une féroce moquerie, que pour certains l’affliction ne connaîtra pas la consolation de la " fin "

(*) ce magnifique film de Michel Deville dans lequel Dupontel incarne avec une rare humanité le rôle-titre (m.c.a)