Bandeau noir
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ELLES

Magolska Szumowska (France 2011)

Juliette Binoche, Joanna Kulig, Anaïs Demoustier

96 min.
18 avril 2012
ELLES

Pourquoi après tant de livres, de documentaires, de débats sur un sujet de moins en moins tabou, la prostitution estudiantine féminine (la masculine serait-elle moins intéressante ?) en faire un film ?

Pour stigmatiser, raconter, dramatiser, banaliser ?

Ou pour faire fantasmer ?

Une journaliste enquête sur des jeunes filles qui ont choisi pour arrondir leur fin de mois d’user de leur corps comme elles l’entendent. 

Décision prise et assumée apparemment sans culpabilité, sans recherche de plaisir mais aussi sans déplaisir.

La conscience des risques du « métier » n’est ni un frein ni un gain à son exercice. Juste une donnée d’un enjeu que la réalisatrice présente comme un regard sur les rapports libérés que des jeunes femmes entretiennent avec leur corps.

Enjeu que l’on peut aussi décoder comme une forme de pornographie "soft & smart" qui essaie de faire passer la mise au rencart des complexes pour une preuve que maîtrise de soi et la décontraction sexuelle pour une façon de redécorer le plus vieux métier du monde d’une nouvelle légitimité - qui rappelle celle de la série « Q.I » dans laquelle Alysson Paradis, actrice de films X, dévore la « Critique de la raison pure » de Kant entre deux fellations.

 « Elles » est un film par lequel on aurait aimé être agrippé voire malmené parce qu’il aurait porté sur la mythologie du corps prostitué un regard décapant. A la fois sociétal et existentiel.

Son accumulation de stéréotypies, sa complexe (maladroite parfois) mise en scène faite de flash back, ses évidences métaphoriques, ses besoins de choquer et en même temps d’aguicher sont peu de choses par rapport à la surprise qui saisit le spectateur devant le trouble qui s’empare de Juliette Binoche, la quadragénaire chargée du reportage pour un grand magazine ("Elle" ? ).

Prête à remettre en question le bonheur d’une vie jusque-là vécue comme tranquille parce ses fantasmes (frustrations ?) érotiques ont été ( r )éveillés par des entretiens auxquels elle accorde une crédibilité et un romanesque dont on l’aurait crue protégée par sa pratique professionnelle de la mise à distance.

C’est dans ce basculement inattendu, dans cette pathétique émergence de fragilité que « Elles » trouve son essentialité et sa vérité troublante.

Pour le reste il n’est qu’un film qui, malgré la justesse d’interprétation et la beauté à fleur de chair et d’esprit de ses actrices, se contente de routin-iser un phénomène.

Qu’il insère dans un système à la frontière du libre-échange économique sans en dénoncer avec la rage (*) qu’elle mérite l’injustice (**) qui pousse certaines à se soumettre au désir de l’autre-payant. Injustice ou la paresse - est-il plus plus facile de se vendre que de vendre des hamburgers dans un fast food ?

Comme dans « Sleeping beauty », « Elles » joue de et avec la pulsion scopique du spectateur.

Avec sa capacité, son désir d’être fasciné et émoustillé par ce qu’il voit à l’écran - il suffit de se souvenir de l’étincelle qui renaît dans l’œil atone de Sean Connery dans le « Zardoz » de John Boorman à la vision de scènes sexuelles.

Est-ce suffisant pour faire un film intéressant ? (mca)

(*) on pense à celle de Fassbinder dans "Le droit du plus fort".

(**) l’une des jeunes filles est fille d’immigré, l’autre d’un milieu ouvrier.