Adaptation d’un livre
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Coup de coeurELLE NE PLEURE PAS, ELLE CHANTE

Philippe de Pierpont (Belgique 2011)

Erika Sainte, Jules Werner

89 min.
29 juin 2011
ELLE NE PLEURE PAS, ELLE CHANTE

Quand les mots disent les maux. Les structurent et les affinent pour leur permettre de devenir autre chose.

Autre chose qui permet de s’émanciper de la douleur. Qui permet de grandir et pourquoi pas de prononcer un jour le mot guérison.

Laura a 30 ans. Son père est dans le coma. Elle décide, pour la première fois, de lui parler de son passé d’enfant abusé.

Ce qui bouleverse dans ce film, le premier qui soit de fiction pour le réalisateur et le premier au cinéma pour sa magnifique actrice, c’est sa simplicité.

Sa sincérité. Son courage calme et déterminé.

Ces qualités grâce auxquelles le spectateur, avec douceur et violence, est amené à accompagner une jeune femme dans un débroussaillage de souvenirs, de sensations, de sentiments éclatés et complexes.

Chemin à la fois de confession et d’abandon des masques, des faux semblants pour s’autonomiser de souvenirs éprouvants vécus dans une solitude renforcée par la « volonté » des membres de la famille de ne pas voir, de ne pas mettre de paroles sur la réalité. Refusant ainsi de reconnaître ce qui a eu lieu.

Chemin fait d’allers retours entre extériorisation et intériorité, entre vengeance et résilience, entre mise à distance (exprimée par le recours à une lumière bleutée) et intimité mise à nu.

Il y a de la gravité dans la démarche, de la force et des moments de faiblesse, du cafard et de l’espoir.

Il y a deux mois sortait sur nos écrans le beau film de Maxime Coton « Le geste ordinaire » - véritable geste (au sens premier de genre littéraire) par lequel un réalisateur décidait de rendre hommage au quotidien de son père, ouvrier dans une usine sidérurgique en Wallonie.

Il y avait là l’occasion d’une rencontre sensible et personnelle autour d’un même questionnement que celui abordé dans « Elle ne pleure pas … » : la filiation.

Si les deux films interrogent chaque fois un père dénué de parole, ils se divisent autant par la forme - l’un est un documentaire, l’autre l’adaptation d’un roman (*) - que par la réponse qu’ils apportent à la question fondatrice d’un lien père-enfant harmonieux.

Si les enfants ont besoin que leur papa les aime, doivent-ils en retour inconditionnellement l’aimer ?

Le film est sélectionné pour le festival des films du Monde de Montréal 2011. Il mérite bien plus qu’une sélection. Une distinction. (mca)

(*) éponyme d’Amélie Sarn paru aux éditions Albin Michel