Films de gangsters
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

ELECTION 1 - ELECTION 2

Johnny To (Hong Kong 2006 - Distributeur : Victory Films)

Louis Koo, Simon Yam, Tony Leung Ka Fai

194 min.
18 juillet 2007
ELECTION 1 - ELECTION 2

Peut-on concevoir à Hong Kong un polar autre qu’urbain ?
Aussi difficilement que d’imaginer Michael Mann, le producteur de la série télévisée « Deux flics à Miami » tourner ailleurs que dans les grandes villes américaines (*) ses policiers dans lesquelles l’esthétique l’emporte sur l’étique.

Deux candidats à l’élection du nouveau chef de la mafia de Hong Kong, c’est assurément la certitude de déclencher, à l’annonce du résultat quel qu’il soit, une sanglante lutte de représailles.

Ce qui peut séduire dans cette histoire en façade virile et violente et en soubassements cynique et sordide, c’est à la fois son cadre et sa peinture. Ou pour parler comme les sémanticiens son contenant et son contenu.

Le contenant est époustouflant. A la fois chic et choc, peaufiné et ambitieux, il apporte à ce drame interne à la mafia chinoise ce que les alexandrins apportent aux tragédies classiques : une tension ascensionnelle, un découpage scandé et une audace dans l’assemblage du propos qui nous immerge, avec un talentueux doigté, dans un monde formel et formaliste. Corseté de règles, de codes, de rites (si l’on voulait être mauvaise langue, on parlerait de mômeries), la « maçonnerie » des Triades ne peut qu’imploser ou exploser. Imploser sous le poids de ses propres lois ou exploser sous celles réactives de la police, du monde politique ou des affaires.

Le contenu est à l’avenant. Thématique et sans illusion, il aborde, comme l’ont fait avant lui les plus grands (Martin Scorsese, Sydney Lumet **) et les moins grands (Harold Becker ***)les luttes intestines et les collusions entre les mafieux et les responsables de l’ordre public désireux de maintenir un vernis de paix civile.

« Election … » est un film lyrique - on y manie l’arme blanche avec la sureté et la grâce d’un danseur qui pratique ses entrechats - et redoutable. Parce que sous prétexte de vouloir présenter un regard lucide sur son pays - la Chine en train de bousculer, sous les coups de butoir de la modernité, ses plus anciennes traditions - Johnny To décrit un monde crépusculaire certes mais qui peut être perçu, par les spectateurs les moins conscients de la vanité cinématographique, comme justifiant tous les fantasmes de destruction ou d’autodestruction.

Le sociologue Michel Maffesoli décrit l’engouement pour la saga Harry Potter comme un phénomène « de remagification du monde ». (****)

Avec Johnny To et son confrère insulaire Wai Keung Lai (« Infernal affairs ») l’accent serait plutôt mis sur la fascination pour le fangeux. (m.c.a)

(*) Los Angeles pour « Collatéral », Chicago pour « Thief » 
(**) « Goodfellas » pour l’un, « Serpico » pour l’autre
(***) « City hall »
(****) in « Le réenchantement du monde » (éd. Table Ronde)