Adaptation d’un livre
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Coup de coeurDRIVE

Nicolas Winding Refn (USA 2011)

Carey Mullingan, Ryan Gosling, Ron Perlman, Bryan Cranston

100 min.
2 novembre 2011
DRIVE

« Seigneur, on dirait que Tu as créé les hommes pour les envoyer au néant » (*)

« Drive » n’est pas seulement le récit d’une expérience radicale, c’est aussi le nouveau film d’un franc-tireur du 7ème art danois (**) qui a su donner au concept de tension une nouvelle dimension.

Dimension faite de virtuosité classieuse au sein de laquelle, comme si elle était écrin précieux, vient se nicher une violence dont l’audace, la cruelle froideur et la fulgurance font sursauter et/ou nerveusement ricaner.

Emporté par une bande-son dans laquelle il est dès la scène première de « Drive » immergé, le spectateur devient immédiatement complice d’un énigmatique cascadeur qui, dès que la nuit tombe, ajoute à ses talents de conducteur prodige celui de pilote pour le compte de braqueurs.

Sorte de loup-garou urbain, Ryan Gosling dans ce rôle dense, quasi muet donne la chair de poule et met les sens en émoi et admiration.

Lorsqu’il tombe amoureux de sa voisine, une très attachante Carey Mulligan, et devient pour l’enfant de celle-ci un père de substitution attentif, l’on sait que ces moments d’accalmie et de bien-être ne seront que de provisoires répits sur un chemin qui a tout des épreuves du Golgotha – trahisons, souffrances, doutes et rédemption.

Les deux acteurs apportent une grande crédibilité à l’atmosphère singulière de ce film qui réussit la gageure d’être unique alors qu’il est bourré de références à de passionnants réalisateurs - Michael Mann, Johnny Too, Robert Aldrich ...

Réalisation glacée comme un sorbet, maîtrisée par une mise en scène qui fait du fil à plomb et du compas ses outils de rigueur, transcendée par un casting de seconds rôles irréprochables, portée par une palette de couleurs mélancoliques, « Drive » ne sacrifie à aucune facilité graphique - fors peut-être une grandiloquence inutile dans quelques séquences gore - et séduit parce qu’il n’est pas qu’un thriller vrombissant.

Il est aussi une opportunité offerte à un tough guy solitaire de sortir d’un autisme qui lui a gelé le cœur pour ne pas hésiter, au nom d’une vulnérabilité retrouvée, à sacrifier sa vie mécanique (***) et égoïste au nom d’un sentiment auquel il n’était pas préparé.

Un sentiment d’amour et l’envie de protection qui le jumelle

« Drive » - le héros qui semble n’avoir aucune épaisseur psychologique et n’a pas d’autre prénom que celui de sa fonction : conduire - serait-il un nouveau romantique ?.

"Drive" est la magnifique adaptation d’un livre de James Sallis paru en poche Rivage, il a obtenu lors du Festival de Cannes 2011 le prix (le donner à un autre concurrent eut été un crime de lèse-majesté) de la mise en scène.

Il est aussi l’objet d’une action en justice, pour bande-annonce mensongère de la part d’une spectatrice de Détroit - USA pour "scènes de racisme gratuit, diffamatoire et dégradant à l’égard des Juifs" ... 

Comme quoi le cinéma est et reste une affaire de ressenti. (mca)

(*) « De l’amour, de la mort, de Dieu et autres bagatelles » paru aux éditions Albin Michel
(**) franc-tireur qui donne au dogma de Lars Von Trier, par la densité de sa trilogie "Pusher" ou "Bronson" (avec l’excellent Tom Hardy vu il y a peu dans le très beau "Warrior" de Gavin O’Connor), un sacré coup d’académisme.

(***) qui, à l’image de celle de Steve Mc Queen chevillée à sa Ford Mustang dans "Bullit", est fusionnellement liée à sa vieille Chevy qui, en cas de besoin, peut fouetter l’air.