Chronique familiale
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DELICE PALOMA

Nadir Moknèche (Algérie/France 2007 - distributeur : Victory Films)

Byouna, Nadia Kace, Daniel Lundh

134 min.
10 octobre 2007
DELICE PALOMA

Si vous ne connaissez pas Byouna, vous avez une bonne raison d’aller voir ce film de Nadir Moknèche, jeune cinéaste pour lequel elle avait déjà joué une bonne dans "Le harem de Madame Osmane" et dans "Vive Laldjérie" (*) une mère déchirée entre peurs et nostalgie.

Icône de la ville d’Alger, elle incarne avec enthousiasme et liberté la vitalité et les langueurs épicuriennes d’une métropole qui reste, aux yeux des étrangers, mystérieuse. 

Elle a de Rossy de Palma ce physique asymétrique qui aurait enchanté Picasso, elle partage avec Romy Schneider la capacité de passer, en un souffle d’émotion, du rire à la mélancolie et comme Arletty ou Victoria Abril elle respire la gouaille anticonformiste.

Dans « Delice Paloma », elle est une championne de la débrouillardise. Tantôt arnaqueuse, tantôt maquerelle, elle revendique, haut et fort, le titre de bienfaitrice de l’humanité. S’inventant comme raison d’exister le fait de rendre service à des compatriotes déboussolés par l’évolution économique et chaotique de la société algérienne.

« Delice… » est un portrait éclaté d’une ville grouillante et contrastée, magnifiée par de larges plans panoramiques. Cité multiple dans laquelle les mosquées ne font pas d’ombre aux bars et les appels du muezzin n’éliminent pas les tentations amorales et illégales (prostitution, proxénétisme, corruption, alcoolisme, trafic d’or…).

C’est avec une indéniable tendresse que le réalisateur se penche sur cette faune bigarrée et contrastée où la mini-jupe côtoie le voile, le féminisme la tradition, et la naïveté la rouerie.

Il y a quelque chose de « L’immeuble Yacoubian » dans ce regard lucide et aimant sur une ville qui se transforme. Il y a la continuation d’un discours sur cette même ville déjà entamé par le réalisateur dans ses précédents ouvrages.

Et il y a aussi, derrière le drame personnel, la dénonciation de deux plaies, la corruption et le chômage, qui continuent à soutenir, depuis des générations, le désir d’immigration des jeunes Algériens. Comme celui des jeunes Marocains, si l’on se souvient du récent « Www : what a wonderful world » de Faouzi Bensaidi.

Quand la désillusion fleurit sur les difficultés d’une société à muer, on n’est plus dans le registre du délice mais dans celui de la tragédie. (m.c.a)

(*) dans lequel joue notre compatriote Lubna Azabal dont on regrette l’absence des écrans depuis 2005 et la sortie du "Paradise now" de Hany Abu-Assad