Coup de coeur
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Coup de coeurDARATT

Mahamat-Saleh haroun (Tchad 2006 - distributeur : Cinéart)

Ali Bacha Barkai, Youssouf Djaoro

92 min.
31 janvier 2007
DARATT

« Daratt » ou la beauté d’une âme, celle d’un jeune garçon, Atim, qui se voit remettre une arme par son grand-père pour tuer l’assassin de son père et qui décide de ne pas entrer dans la spirale sans fin de la vengeance.

2006 à N’Djamena, le gouvernement tchadien, après quarante ans de guerre civile, décide d’amnistier les criminels de guerre. Mais amnistie décrétée ne rime pas nécessairement avec amnésie acceptée.

« Daratt » est une parabole sur la mémoire, celle des victimes qui tant qu’elle restera noire et sèche comme la saison du sous-titre du troisième film de Haroun, enserrera le cœur des humains d’un besoin de représailles aussi destructeur que le geste des bourreaux.

Dans ce beau film - prix spécial du jury au dernier festival de Venise - conté avec des dialogues dont la rareté est magnifiée par une profonde humanité, il est moins question de pardon que de refus. Refus d’une loi plus vieille (*) que la Bible, celle du talion qui, parce qu’elle commande œil pour œil, dent pour dent, ne permet jamais à une tragédie de trouver sa fin, à un individu d’être en paix.

« Daratt » par sa rigueur, sa simplicité, son absence de sentimentalisme, étreint d’une émotion juste, de celle qui donne envie d’un monde meilleur parce qu’allégé du fardeau de l’appel à la vengeance transmise d’une génération à l’autre.

Atim (orphelin en tchadien) ne sait pas sourire (**), il a cet air fermé des enfants confrontés trop tôt à la tragédie. Déchiré entre la demande de son grand-père et l’accueil chaleureux de celui qu’il est venu tuer, il est pris dans un filet de contradictions qui bouleversent parce qu’elles soulignent l’universel de l’ambigüité humaine.

Il suffit de peu pour faire un film noble et puissant. Des regards, des mots appropriés, des couleurs qui font écho à une dure réalité. Et de la générosité. Cette générosité qui est à la vie, ce que la levure est au pain, l’ingrédient plus fort que la souffrance, plus fort que l’instinct de mort. (m.c.a)

(*) le code d’Hammourabi
(**) les acteurs sont des non professionnels et ils sont tous formidables. Le jeune Ali Bacha Barkai ressemble étrangement à Kang-sheng Lee, cet acteur fétiche de Ming-liang Tsai (« The river », « The hole »). Ils ont tous les deux cette capacité de rendre palpable la détresse d’une jeunesse enfermée sur elle-même.