Cinéphile
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Coup de coeurCHACUN SON CINEMA

Oeuvre collective à laquelle ont collaboré entre autres Roman Polansky, Walter Salles, les frères Coen, Hou Hsiao-hsien, Nanni Moretti, Gus Van Sant, Tsai Ming-liang, Kiarostami, Zhang Yimou, Raymond Depardon ....

L’aide distributive de Cinéart et du cinéma Vendôme (Bruxelles)

118 min.
16 juillet 2008
CHACUN SON CINEMA

Qui a eu cette idée grandiosement folle de convoquer 35 cinéastes (dont 2 fois deux frères, les Dardenne et les Coen) au chevet non pas du cinéma mais de l’un de ses contenants, la salle de cinéma ?

Gilles Jacob qui voulait ainsi fêter, urbi et orbi - 25 nationalités et pays sont réunis pour cet anniversaire - les 60 ans du Festival de Cannes.

Qu’il en soit remercié car il a permis à 35 imaginaires de se développer autour d’un objet bien réel - la salle de spectacle - pour atteindre parfois, quand la grâce fait partie du tour de manège, une émotion, une surprise, une revanche de l’épidermique contre certaines lignes de forces qui voudraient flanquer le 7ème art de miradors trop conceptuels ou esthétiques.

Ici la parole est rendue aux images qui renouent, sans distance critique ou intellectuelle, avec l’affectivité et son cortège expressif de sensations : le rire, les pleurs, le doute, la colère, l’envie de réfléchir, le besoin d’analyser, de se souvenir.

Et la gourmandise. Celle qui pousse le spectateur à aller au cinéma et le cinéaste à le célébrer.

Avec une fougue qui rappelle celle avec laquelle dans « Le sacre du printemps » de Béjart, les hommes et les femmes rendaient hommage à Jorge Donn, devenu le temps d’une représentation l’égal d’un dieu.

Dans « Chacun son cinéma », le temps de la représentation est le même pour tous : 3 minutes.

De ces trois minutes, chacun va s’emparer. Avec inspiration, talent, audace, paresse et inachèvement aussi parfois.

Mais peu importe. Le feu - plus que les cendres - embrase les intentions et donne à l’ensemble une chaleur et un intérêt qui, lorsqu’il faiblit - toutes les séquences n’ont pas la même pertinence - n’est que la porte ouverte à une impatience : qui va, par son approche plus talentueuse ou inspirée, compenser la faiblesse du confrère précédent ?

Nous disons bien confrère parce que le seul reproche à adresser à l’initiateur du projet gît dans la masculinisation de l’entreprise : pourquoi n’avoir retenu qu’une cinéaste, Jeanne Campion ? Alors que bien d’autres auraient pu, par leur sensibilité et intelligence, épicé le projet. On pense à Catherine Breillat, Liliana Cavani, Noami Kawase, Marion Hänsel, Sarah Polley ...

Chacun des courts métrages de ce long métrage mérite une attention très souvent admirative parce qu’ils portent, y compris les moins accomplis, un soupçon de l’âme de celui qui l’a façonné.

Comme toujours, le cinéma étant avant tout un jeu dialectal entre deux projections - celle sur l’écran et celle du spectateur sur l’objet représenté - chacun aura « son » affinité élective le dédouanant de la nécessité d’avoir un avis sur tous les segments proposés.

Signalons simplement et cursivement que mes " winners" sont David Cronenberg pour son approche très organique d’un individu toujours à 1 micromillimètre de l’irrationnel explosif, Chen Kaige qui ravive le souvenir des premières expériences enfantines et les Dardenne qui rappellent, pince sans rire et suspens à l’épaule, qu’on peut aller au cinéma pour d’autres raisons que le cinéma.

Bouillon de culture (*), bouquet d’excitation, feu d’artifices de perceptions, « A chacun … » fait de de nous des voyeurs heureux.

C’est un film où l’on va en chantant et dont on sort en dansant. Avec l’envie d’embrasser les frères Lumières pour avoir eu, un jour, cette idée géniale d’assurer par une espèce de petite griffe l’avancée de la bande d’un film.

Le cinématographe était né (**) C’était en 1895. (m.c.a)

(*) Dans le numéro de novembre 2007, Vincent Thabourey du magazine Positif s’est amusé à trouver pour chaque cinéaste son maître : Antonioni pour Angelopoulos, Fellini - ce cher menteur auquel le film est dédié – pour Konchalovsky, Dreyer et Godard pour Egoyan, etc ….
(**) C’est l’objet qui se trouve repris en photo de cet article