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Coup de coeurCESARE DEVE MORIRE (César doit mourir)

Paolo Taviani et Vittorio Taviani (Italie, 2012)

Cosimo Rega, Salvatore Striano, Giovanni Arcuri, Antonio Frasca...

76 min.
17 octobre 2012
CESARE DEVE MORIRE (César doit mourir)

Le « Jules César » de Shakespeare est un drame puissant et extraordinaire. Il l’est encore plus dans la mise en scène des frères Taviani qui décident – après avoir pris conscience du potentiel narratif et humain de la division de haute sécurité de la prison de Rebibbia à Rome – de réaliser avec les détenus de cette section, une représentation cinématographique surprenante.

Et ce n’est pas un hasard si le film « Cesare deve morire (César doit mourir) » a remporté l’Ours d’Or lors de la 62e édition de la Berlinale (depuis 1991, avec « La casa del sorriso » de Marco Ferreri, le prix n’avait plus été remporté par un film italien !) et représentera l’Italie aux Oscars 2013.

Le choix de tourner ce film naît avant tout d’une rencontre : celle des frères Taviani avec la prison, ou, plus précisément, avec l’humanité des détenus qui l’habitent et qui sont liés pour la plupart au crime organisé, à la mafia et condamnés à de longues peines.

Les réalisateurs décident alors d’entreprendre avec eux un chemin difficile : un travail d’art dramatique par le biais d’un récit intemporel qui touche à l’universel comme le « Jules César » de Shakespeare.

Nous sommes traînés, comme Dante, dans les cercles de l’Enfer.
Dans ce même enfer, un parcours de création artistique nous montre la transfiguration de ces hommes coupables, certes, mais encore capables de prendre conscience de leur humanité et de réaliser ce qu’ils ont perdu.

Le choix d’une photographie symétrique, les contrastes noir et blanc, les jeux d’ombre et de lumière ; tout contribue à la mise en scène théâtrale du « Jules César ». En un crescendo musical (la bande son de Giuliano Taviani et Carmelo Travia est extraordinaire), chaque acteur s’approprie son personnage et se confond avec lui.

Tous les acteurs restent pourtant des prisonniers, nombre d’entre eux sont condamnés à des « peines sans fin », euphémisme pour exprimer la perpétuité. Pour les alléger de leur fardeau, l’art joue un rôle capital : ils se sont d’ailleurs appropriés le texte de Shakespeare et l’ont adapté à leur propre nature, à travers leurs dialectes d’origine.

Et à la fin de la représentation, comme dans une mise en scène méta-théâtrale de Pirandello, les couleurs entrent en scène et illuminent le film, attirant ainsi l’attention sur la consistance de la réalité.

Les bouleversements vécus par les détenus sont peut-être à peine déchiffrables mais, à la fin du film, à la sortie de la salle, le film nous laissera peut-être comme il a laissé les frères Taviani à la fin de son tournage : un peu plus proche de la lumière. Vers la liberté. Les autres, les acteurs, les détenus sont toujours là-bas, dans leurs cellules, mais, pour eux comme pour nous, « dès demain, ici, ce ne sera plus comme avant  »1.

(Lucia)


1 Interview de Nicola Mazzanti, Directeur de la Cinémathèque de Bruxelles, aux frères Taviani, à l’occasion de la projection en avant-première du film “ César doit mourir ” au Bozar