Premier film
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CARNIVORES

Jérémie et Yannick Renier

Leïla Bekhti, Zita Hanrot, Bastien Bouillon, Johan Heldenbergh, Hiam Abbass

86 min.
11 avril 2018
CARNIVORES

Carnivores, ce titre du premier film des frères Renier comme réalisateurs est déjà empreint de tension. Alors qu’initialement Jérémie et Yannick voulaient réaliser une comédie, c’est plutôt vers le film de genre que se porte Carnivores.

Mona, début de la trentaine, rêve de devenir actrice, mais c’est sa cadette, Sam qui se fait remarquer. Faute de moyens, Mona s’installe chez sa sœur et devient son assistante personnelle sur le dernier film de Paul Brozek. Sam éprouve des difficultés pour entrer dans son rôle et, au milieu du tournage, elle disparaît. Mona enfile alors le rôle de sa sœur et devient une mère pour son fils, une amante pour son mari ainsi qu’une actrice pour son réalisateur. Lorsque Sam refait surface un an plus tard, Mona n’a d’autre choix que de « dévorer » sa sœur.

Le fratricide est un sujet présent dans de nombreuses tragédies, qui pour certaines remontent à l’origine du monde. Le mythe de Caïn et Abel ou encore celui d’Etéocle et Polynice est le même que ce drame qui se produit entre Sam et Mona. Après la disparition de Sam, Mona cesse de vivre dans l’ombre de sa cadette et gagne en assurance. Elle s’approprie la vie et les hommes de sa sœur. Les deux femmes ne peuvent pas briller ensemble. On comprend donc aisément que lorsque Sam refait surface, une des deux va devoir tuer l’autre.

Carnivores ne nous séduit pas tant sur l’originalité du scénario que sur l’atmosphère pesante qu’il installe. Les deux frères ont pris le parti de s’en tenir au point de vue de Mona. La narration est accidentée et les ellipses sont longues lorsque l’on aborde la disparition de Sam (pas d’informations sur l’enquête de police ou les démarches administratives, mais uniquement le ressenti de Mona). Par ce choix scénaristique, le spectateur est au plus près des pensées de Mona et cette approche est renforcée par l’économie des dialogues. Tout se joue à travers la posture des corps et les regards. En outre, la musique vient renforcer les sentiments de la protagoniste, à la fois pour souligner ce qui se passe dans sa tête, ses angoisses et ses peurs, mais également pour transmettre la mélancolie de son enfance avec la chanson Sarà perchè ti amo. Cet extrait musical est utilisé à deux reprises dans le film : une première fois lorsque la petite famille revisionne les vieux films de vacances. Mona est émue et se souvient de son enfance alors que Sam quitte la pièce. La deuxième fois, le morceau passe à la radio lorsque Mona ramène Sam de sa fugue. À présent, Sam, ne fuis plus cette nostalgie. Au contraire, elle prend possession de la musique et se met à danser. Mona, quant à elle, reste de marbre. Elle a conscience qu’elle ne peut pas vivre pleinement tant que sa sœur existe. Pour terminer, la psychologie de Mona se fait ressentir jusque dans l’image et le cadrage du film. Sa rigueur se traduit par des cadres assez froids et les travellings lents accentuent sa sensation d’étouffement. Les plans sont stylisés et maîtrisés, à l’image du contrôle que Mona cherche toujours à garder.

En conclusion, Carnivores met en scène deux actrices sublimes qui nous donnent le meilleur. En tant que spectateur, on est transporté au cœur de cette atmosphère pesante et stressante. On n’en échappera pas avant le générique, pour notre plus grand plaisir. Ce film est à voir sur grands écrans rapidement.

(Laura Istace)