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BYE BYE TIBERIADE

Lina Soualem

Hiam Abbass

82 min.
21 février 2024
BYE BYE TIBERIADE

A la recherche de ses origines, de son histoire familiale, Lina Soualem, la fille de l’actrice palestinienne Hiam Abbas et du comédien algérien Zinédine Soualem, avait entamé un premier chapitre, "Leur Algérie", en filmant ses grands-parents paternels. Aujourd’hui, à Deir Hanna, en Galilée, village natal de sa mère, elle évoque en compagnie des femmes de sa famille, sa mère, sa grand-mère et son arrière grand-mère, tout un parcours, du plus profond de l’intime, aux bouleversements meurtriers de l’Histoire. Car Deir Hanna est un lieu d’exil. Auparavant, la famille vivait à Tibériade, et cela nous vaut des superbes séquences nostalgiques d’un lieu quasi mythique. Auparavant, avant 1948. C’est à l’aide d’archives historiques que la Nakba est évoquée, mais pas que… Nakba, la catastrophe qui a frappé les Palestiniens en 1948. Chassés de plusieurs villes, leurs biens saisis, des villages détruits, refoulés vers le Liban, la Jordanie, la Syrie. Certains sont restés, comme la famille de Hiam Abbass, les Palestiniens d’Israël, toujours citoyens de seconde zone. Jeune, Hiam a écrit des poèmes, a rempli des carnets, sa fille s’en empare, et c’est sur le mode mineur et pudique que l’histoire est racontée, sans grandes orgues ni proclamations politiques. Souvent, les images suffisent, comme la maison familiale de Tibériade détruite.
A l’âge de 20 ans, Hiam Abbas, fait le grand saut. Loin de l’atmosphère étouffante du village, et des traditions, elle quitte Israël pour Paris et entame une carrière de comédienne. La langue française entre dans sa vie. Inutile de rappeler ici sa présence forte chez plusieurs cinéastes, de l’Europe à l’Amérique, mais aussi dans le cinéma israélien.
A l’aide des archives privées, des scènes de la vie familiale tournées au fil des années, nous confrontons le passé et le présent, quatre générations de femmes dialoguent avec bienveillance et même humour et ironie parfois, toute une société se révèle à nous, avec ses contradictions et ses espérances, ce dernier mot plutôt amer aujourd’hui.
On n’entend pas souvent les Palestiniens d’Israël, entre discriminations et inégalités, Lina Soualem a trouvé la voix et le regard justes pour nous plonger dans un univers méconnu, nous faire entendre la parole des femmes, souvent occultée et à travers ses échanges avec sa mère, faire naître tout au long du film, une émotion rare.

Tessa Parzenczewski