Drame conjugal
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BREATH

Kim Ki-duk (Corée du Sud 2007 - distributeur : Cinéart)

Chang Chen, Zia, Ha Jung-woo

84 min.
12 mars 2008
BREATH

Ce qui est intéressant avec KKD (Kim Ki-duk) c’est l’irrégularité de son cinéma. Souvent magnifique (" Spring, summer, fall, winter & spring … ", "Bin Jip"), parfois bon (" Adress unknow") et de temps en temps quelconque (« The bow »)

Ce talent en dents de scie donne à chacun de ses films le goût inégalé du suspense artistique.

Reconnaissons d’emblée que si « Breath » ne coupe pas le souffle, il inscrit l’œuvre du cinéaste dans l’approfondissement de sa réflexion sur les mouvements contraires qui animent les rapports humains.

Une jeune mère de famille trompée par son mari décide de rendre visite, en prison, à un condamné à mort qui, pour retarder son exécution, multiplie les tentatives de suicide.

Spécialiste des liaisons étranges et défiant le bon sens - il en est déjà ainsi dans son premier film « Crocodile » - le cinéaste propose une variation à la fois fantaisiste et passionnée sur le thème de l’amour.

Qui, lorsqu’il est conjugal et ancré dans la réalité quotidienne, se décline entre ennui - elle est une mordue des feuilletons télévisés - et adultère.

Qui, lorsqu’il est improbable et voué à l’éphémère, se vit avec audace et sensualité.

KKD n’est pas un cinéaste de la parole. Rien de rohmérien en lui, mais plutôt un chercheur d’images qui, à la place des mots, vont tisser le dialogue entre les personnages. Entre le film et le spectateur.

Images souvent très belles, surprenantes par leur poésie lyrique et kitsch qui transforme les objets les plus ordinaires (une chemise) et les pièces les plus froides (les parloirs de prison) en petits moments d’émotion à fleur de peau.

Toujours sensible au temps qui passe (*) et qui transforme les vies en « souffle » fugace auquel il faut essayer de donner une puissance sous peine de les voir s’étioler, KKD fait de son cinéma une philosophie.

Une philosophie qui console, comme chez Boèce (**) et qui réconcilie avec le besoin de chacun de communiquer.

Ce que montre l’envoûtante scène de fin de film qui, comme dans « Blow up », permet au personnage principal de renouer avec les autres par le truchement d’un lancer de boule de neige - faisant office de la balle de tennis chez Antonioni.

Même s’il n’en fait pas la matière première de ses films - sauf « The coast guard » - être, comme KKD, né dans un pays divisé en deux depuis longtemps n’est pas sans conséquence.

Faisant de lui à la fois un acteur de ce qui se passe dans son camp et un voyeur de ce qui se passe dans le camp de l’autre.

Raison pour laquelle (peut-être), le réalisateur s’est réservé, dans « Breath », le rôle ingrat et omnipotent de celui qui surveille, par camera interposée, les rendez-vous en prison et décide, par ce qui ressemble au couperet d’un final cut, de les prolonger ou de les couper.

Saluons l’hommage rendu à Adamo dont la chanson « Tombe la neige » en coréen épouse bien « l’impassible manège » de la mélancolie teintée de souffrance de KKD. (m.c.a)

(*) C’est de posters géants reflétant les nuances propres à chaque saison que l’héroïne recouvre les murs de la pièce dans laquelle elle vivra ce qui lui manque dans sa morne existence : la sensation d’être vivante.
(**) « Consolation de la philosophie » en Rivages poche ou « Les consolations de la philosophie » d’Alain De Botton en Pocket - la première de couverture est très originale