Chronique dramatique
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BREAKING & ENTERING (ou par effraction)

Anthony Minghella (GB/USA 2007 - distributeur : Buena Vista)

Jude Law, Robin Wright Penn, Jude Law, Véra Farmiga

120 min.
21 mars 2007
BREAKING & ENTERING (ou par effraction)

Jean-Paul Sartre aurait confié à la fin de sa vie, s’il faut en croire les révélations de Françoise Sagan qui était devenue sa lectrice lorsque la vue a abandonné l’écrivain-philosophe, qu’il aimait l’intelligence parce qu’elle rendait bon.

Ce n’est pas le beau film de Minghella qui le démentira.

Will est un architecte. Il décide d’installer ses bureaux dans un coin défavorisé de Londres. La nuit de son installation à Charring Cross il est cambriolé par le fils d’une réfugiée bosniaque dont il tombera amoureux.

Dans « Breaking & … », le réalisateur rompt avec le romantisme du « Patient anglais » et de « Retour à Cold Mountain » et choisit de nous plonger dans un entrelacs de relations intimes et de réflexions sur la stratification sociale des grandes métropoles occidentales.

Avec une constante douceur - qualité dont ne s’embarrasse guère le cinéma contemporain -, Minghella s’intéresse à la difficulté pour un couple de continuer, malgré les années de vie commune, à vivre proche l’un de l’autre, pour une mère d’aider son fils entraîné dans la glissante pente de la prédélinquance et pour une autre d’accepter que son enfant "autiste" puisse être le symptôme de la relation boiteuse qu’elle entretient avec son compagnon.

Avec une tout aussi prenante sensibilité, il évoque le fossé malaisément comblé entre des milieux sociaux différents et la mutation subtile du tissu social - les étrangers remplaçant peu à peu les ouvriers dans les quartiers pauvres d’une ville.

Les thèmes foisonnent dans « Breaking &… » sans donner l’impression d’être superficiellement traités sans doute parce que le cinéaste est plus à la recherche de ce qui lie les personnages que de ce qui les sépare. Les deux héroïnes peuvent se comprendre parce qu’elles partagent, alors que l’argent et l’identité nationale les tiennent éloignées l’une de l’autre, la même inquiétude pour leur enfant. Cette intuition d’une fragilité-miroir aidera l’une à sauver l’autre dans une scène dont la retenue rejoint la noblesse qui l’a inspirée.

Le rythme de la composition est lent, il avance à la cadence des cœurs qui souffrent, qui se battent pour sortir d’un noeud de sentiments contradictoires.

Londres est présentée dans toute sa diversité organique. On est loin du charme bobo du "Notting Hill" de Roger Michell. On est au cœur d’une cité pulsée par ses changements. Un renard y rode, présence qui, comme celle du coyote du Los Angeles de "Collateral" de Michael Mann nous rappelle que la sauvagerie n’est jamais absente de la civilisation.

Les acteurs sont tous, y compris dans des rôles secondaires, parfaitement à l’unisson d’un scénario dont la richesse est de métisser les points de vue.

Un coup de chapeau particulier à Véra Farmiga, épatante dans un rôle de prostituée dont la connaissance de l’homme est le symbole d’un film qui, s’il devait être résumé en un mot, le serait par celui d’humain. (m.c.a)