Comédie stylée
3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s) 3étoile(s)

BIRDMAN

Alejandro G. Iñárritu

Michael Keaton, Zach Galifianakis, Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts

119 min.
28 janvier 2015
BIRDMAN

Dans Birdman , Iñárritu nous conte l’histoire de Riggan Thomson (Michael Keaton), célébrité autrefois connue pour son rôle à succès de super-héros dans lequel il s’est illustré. Pour tenter de se donner de l’importance et de relancer sa carrière, Riggan essaye tant bien que mal de monter une pièce de théâtre à Broadway. Il nous emmène dans les coulisses du théâtre new-yorkais, là où se joue le véritable spectacle. Le réalisateur nous positionne, par l’histoire et le dispositif filmique - caméra suivant de manière récurrente les personnages de dos -, en tant que spectateur privilégié, témoin de l’évolution du jeu des personnages au fil du récit. Il nous emmène dans un voyage intime, à la frontière entre rêve et réalité, au coeur des tourments et tribulations du personnage principal pendant un court fragment de sa vie.

Après Babel et plus récemment Biutiful , le réalisateur mexicain s’adonne ici à un tout autre genre : la comédie. Mais il ne renie pas pour autant le genre dramatique qui reste omniprésent en trame de fond et dans la mise en scène. Cette comédie dramatique se veut avant tout une critique de la critique, une satire clairement explicitée - tant dans les répliques que dans les nombreuses références cinématographiques - du métier d’acteur et de la nature éphémère de leur succès. Une question est sous-jacente au récit : jusqu’où faut-il aller pour ne pas tomber dans l’oubli ?

Birdman est une mise en abîme saisissante du parcours de Michael Keaton et du succès momentané qu’il connut suite à son interprétation du célèbre personnage de Batman . Ce rôle de composition lui donne un second souffle dans sa vie d’acteur (*). La frontière entre fiction et réalité est ici poussée à son paroxysme car la reconnaissance que le personnage de Riggan, incarné par Michael Keaton, s’efforce d’acquérir tout au long du film est en quelque sorte transposée dans le monde réel. Si l’effet escompté était de relancer la carrière de l’acteur ou du moins refaire parler de lui, le pari est assurément tenu. Quant au reste du casting (Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts), il est par ailleurs tout aussi pertinent que convaincant. 

Là où le bât blesse, c’est dans le dispositif narratif mis en place tout au long du film. Le personnage principal est guidé par une voix intérieure, celle de Birdman , le personnage qu’il incarnait autrefois. Celle-ci sera même matérialisée pour permettre au spectateur de bien comprendre ce qu’il se passe à l’écran. Trop habitué du style réaliste, Iñárritu semble avoir peur de perdre son spectateur dans la part trop fantasmagorique du film et laisse ainsi s’envoler toute tentative d’interprétation fantaisiste de celui-ci. 

Mais de par la mise en scène particulièrement juste, le sujet intéressant et l’audace du réalisateur de s’attaquer à un genre qui lui était méconnu jusqu’alors, le film n’en reste pas moins une très bonne découverte (**). 

Bénédicte Eïd

(*) Son interprétation lui a d’ailleurs valu le Golden Globe du meilleur acteur dans une comédie.

(**) Grand vainqueur des Oscars 2015, Birdman a remporté pas moins de quatre prix : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleure photographie.