Comédie sociale
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BIENVENUE EN AFRIQUE

Andreas Gruber (Autriche 2004 - distribution : Victory Films)

Georg Friedrich, Rainer Egger, Abdul Salis

86 min.
21 juin 2006
BIENVENUE EN AFRIQUE

Un proverbe indien recommande, pour comprendre l’autre de « courir pendant 10 jours dans ses chaussures ». « Bienvenue » va reprendre cette idée de « se mettre à la place de » en infligeant à des policiers obtus, chargés de ramener chez lui un sans papier, des épreuves similaires à celles endurées par ce jeune clandestin : humiliations, attentes déçues, détentions arbitraires.

La bonne idée de « Bienvenue » est de renvoyer dos à dos les méthodes d’accueil des étrangers dans un pays occidental ou africain.
Le titre anglais « Welcome Home » est à cet égard bien plus adéquat que sa traduction française qui tend à restreindre la portée universelle de la charge satirique de ce film qui dénonce autant qu’il ridiculise des méthodes que Philippe Lioret dans « Tombés du ciel » avait portées au comble de la sombre raillerie en décrivant combien un autochtone peut être accueilli dans son propre pays avec méfiance et suspicion s’il manque un tampon sur son passeport.

La belle vitalité de « Bienvenue » est d’avoir mis en parallèle deux situations identiques pour amener le spectateur à une réflexion plus amère que douce sur l’échec des politiques d’immigration lorsqu’elles se réduisent à l’arsenal législatif et institutionnel.

Sans « le facteur humain » cher à Graham Greene, et qui est ce regard ouvert, posé sans idée préconçue sur l’autre, il est impossible de sortir de la haine et du racisme.

Avec sobriété, Gruber - reprenant le thème de Tahar Ben Jelloun dans son « Partir » - remonte à la misère qui aiguillonne les individus à fuir leur pays et à la honte qui les gangrène s’ils y reviennent les mains vides, dépossédés des rêves qui les ont poussés à partir.

Leurs épreuves surmontées, les compères ne vont pas devenir amis ou complices mais ils vont partager la même conscience de leur commune fragilité : celle d’être des étrangers pour ceux qui n’ont pas leur nationalité et cette constatation, en ces temps sécuritaire et protectionniste, n’est pas une bonne nouvelle pour l’humanité.

Fassbinder, autre cinéaste allemand, dans un de ses plus beaux films avait déjà souligné que le point de chute sur lequel butait l’espoir mis dans un Occident aux promesses illusoires était l’angoisse. Celle, qui à force de désespoir, mange l’âme " Angst essen seele auf ". (m.c.a)