Ados en toute liberté
2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s) 2étoile(s)

BEN X

Nic Balthazar (Belgique/Pays-Bas 2007 - distributeur : KDF)

Greg Timmermans, Marijke Pinoy, Laura Verlinden, Titus De Voogdt

95 min.
26 septembre 2007
BEN X

Les dés sont jetés. Ce sera « Ben X » qui représentera la Belgique aux 80èmes Academy Awards dans la catégorie « meilleur film en langue étrangère ».

Est-ce pour ses qualités intrinsèque ou parce qu’il est devenu une sorte de bête à concours (*) que « Ben X » a été sélectionné, par un comité de professionnels du cinéma, parmi dix films dont certains - « Nue propriété » de Joachim Lafosse et « Si le vent soulève les sables » de Marion Hänsel - n’auraient pas rompu la règle de l’alternance convenue selon laquelle une année sur deux (**) la francophonie est mise à l’honneur ?

Avant d’être un premier long métrage, « Ben X » a été un livre « Niets is alles wat hij zei » et une pièce de théâtre « Niets ». Tous les deux ont été des succès auprès d’un public jeune voire adolescent.

Nic Balthazar, ex critique de cinéma, s’est inspiré d’un fait divers, le suicide d’un autiste, pour écrire l’histoire d’un jeune homme différent des autres et qui, en raison même, de cette différence est la cible de la malveillance de ses condisciples. Il trouve refuge dans le jeu video « Archlord ». Son univers bascule lorsque Starlite la partenaire qu’il a rencontrée sur le Net débarque dans sa vie réelle.

L’intérêt du film n’est pas d’être comme chez Lynch déstructuré mais étagé en trois espaces aux respirations qui scandent, chacune, un rapport plus ou moins complexe au monde.

Dans son existence quotidienne, Ben est juste Ben, un garçon pas comme les autres corseté par l’impossibilité de communiquer. Sa relation à l’autre est soit codée (la famille) soit destructrice (l’école) soit inexistante (le trajet de la famille à l’école).

Lorsqu’il se connecte à www.archlordgame.com , il devient Ben X, un preux chevalier capable d’affronter les vilains. Comme Ash dans "Avalon" d’Oshii, sa relation avec lui-même se sublime, facilite son rapport fantasmé à autrui qu’il devient capable d’affronter.

Entre ces deux univers, le réel et le virtuel, s’étend un no man’s land imaginaire personnel dans lequel Ben s’engouffre, se perd avant de se trouver et d’installer entre lui et la jeune Starlite un début de partage.

Les articulations des trois univers de Ben, qui sont comme un écho post moderne au RIS (***) lacanien, sont rendues avec un indéniable brio technique - des scènes entières ont été réalisées à l’intérieur d’un jeu video. Mise en scène proche dans ses développements ludiques de la magie d’ "Eragon" de Steven Fangmeier et dans son questionnement sur le vécu d’un Ben harcelé moralement et physiquement du cinéma sans fard d’un Mike Leigh.

Cette appréhension schizoidale de deux mondes, le fantastic heroic et le réalisme social, est rendue avec justesse par un nouveau venu, Greg Timmermans dont les gestes et attitudes de repli précautionneux font penser à ceux de Ralph Fiennes dans « Spider » de David Cronenberg.

Marijke Pinoy (« Vidange perdue » de Geoffrey Enthoven), et tous les autres acteurs sont formidablement présents. De cette présence qui ne repose sur aucun artifice et qui est la marque d’un jeu-à-la-flamande (Kris Cuppens, Jan Decleir) axé sur une authenticité et un naturel desquels sourd une humanité qui les rapproche de ceux qui regardent le film.

Signalons la belle et impie audace du réalisateur qui, par une utilisation inhabituelle d’un crucifix, donne un vivifiant coup de pied dans la bienséance religieuse d’une certaine Flandre lovée sur ses intolérants préjugés.

Une interview du réalisateur par Fernand Denis est proposée sur le site de la Libre Belgique - www.lalibre.be du 25 septembre.

La remise des Oscars aura lieu le 24 février 2008 à 5h.30 heure PST (Pacific Standard Time). D’ici là, croisons les doigts. (m.c.a)

(*) après avoir remporté, lors du dernier Festival des Films du Monde, le Grand Prix (ex aequo avec « Un secret » de Claude Miller) et lors du Festival de Montréal le Grand Prix et le Prix du Public.
(**) En 2006 c’est le film de la néerlandophone Fien Troch « Een ander zijn geluk » qui avait été retenu par le Comité de sélection.
(***) les registres du Réel, de l’Imaginaire et du Symbolique