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BEATS

Brian Welsh

Lorn Macdonald, Cristian Ortega, Brian Ferguson, Ross Mann, Laura Fraser, …

101 min.
13 novembre 2019
BEATS

Ecosse, 1994. La Criminal Justice & Public Order Bill interdit tout rassemblement autour de musique caractérisée par l’émission de beats répétitifs [1]. C’est sur l’énonciation de cette loi sur fond de silence que s’ouvre le film de Brian Welsh, suivi immédiatement par les beats puissants d’Ultra-Sonic, Annihilating Rhythm Parts 1+2.
Et c’est dans ce contexte, que le réalisateur nous raconte l’histoire d’amitié entre Spanner (Lorn Macdonald) et Johnno (Cristian Ortega), deux ados vivant dans les banlieues écossaises où règne la crise sociale.

Spanner vit sous la coupe de son grand frère Fido (Neil Leiper), un délinquant notoire de leur quartier, qui n’hésite pas à maltraiter Spanner. Mis à part le lien de parenté, Spanner ne partage rien avec son frère, mais est malgré tout assimilé à lui et considéré dès lors comme charity case voire même comme scum [2] .

Johnno, appelé little man par ses amis, vit avec son petit frère, sa mère (Laura Fraser) et le nouveau compagnon de celle-ci, Robert (Brian Ferguson), un policier engagé qui veut emmener sa petite femme loin de ces banlieues sociales vers des contrées plus « bourgeoises ». A y regarder de plus près, c’est d’ailleurs lui qui aurait mieux porté le surnom de little man, avec sa crainte de ce que pourrait penser ses collègues des fréquentations de son beau-fils. Ou encore avec son application à la lettre de cette nouvelle loi, battant de gaieté de cœur les jeunes raveurs, sans même une once de réflexion quant à la pertinence de cela.

Ces deux amis depuis toujours savent que le destin va les séparer, étant donné que la famille de Johnno doit déménager d’ici la fin du mois. Et c’est alors qu’ils décident de s’octroyer un dernier délire d’ado en crise, dont le besoin d’opposition ne se fait pas seulement vis-à-vis l’autorité parentale, mais surtout à l’égard de l’autorité omniprésente interdisant aux gens de participer à ces fameuses rave-parties. Et pour pouvoir participer à une rave de taille, Spanner vole de l’argent à son frère, entrainant son ami Johnno dans une dernière nuit démentielle et totalement magique.

Produit par Steven Soderbergh (Sex, Lies, and Videotape, 1989, Erin Brockovich, 2000,…), Beats n’est évidemment pas sans rappeler le cinéma de Ken Loach, en particulier Sweet Sixteen (2002), pour son aspect social, pour son ambiance et pour son côté très sobre, mais nous rappelle évidemment aussi l’ambiance déjantée de Trainspotting (Danny Boyle, 1996) notamment pour le choix de la bande son électro.

Le choix esthétique du noir et blanc nous plonge dans le passé, mais fait également ressortir la colère et la résistance de ces jeunes, ne laissant aucune place à l’édulcoration. Bien plus que l’histoire d’amitié poignante de ces deux jeunes, il s’agit de l’histoire d’une génération entière, qui s’est rebellé contre l’establishement, formant ainsi the Underground Resistance Revolt.

Difficile pour le jeune belge actuel, dont les étés sont bercés par les festivals comme Dour ou Tomorrowland, de s’imaginer qu’il y a à peine 25 ans de cela, et pas si loin de notre plat pays, ce genre de fêtes furent interdites, condamnées et permirent même à la police d’y battre à coups de matraques les participants. Beats met ainsi en évidence aussi un pan de l’histoire, rappelant que beaucoup de choses qui nous semblent acquises et évidentes furent l’objet de conflits et de révoltes avant de pouvoir être considérées comme un droit. Un droit à la fête dans ce cas-ci, mais encore une fois, il ne s’agit que d’un exemple parmi tant d’autres, d’une illustration parmi une multitude, l‘individuel, le microcosme ramenant sans cesse au collectif, à l’universel.

Le film fait l’effet d’une bombe, sa bande son (pour qui sait apprécier les beats) est trippante et jouissive. A voir absolument en salle dès ce mercredi !

(Astrid De Munter)

[1Pour plus d’informations, voir http://www.legislation.gov.uk/ukpga/1994/33/part/V/crossheading/powers-in-relation-to-raves/1994-11-03?view=plain "This section applies to a gathering on land in the open air of 100 or more persons (whether or not trespassers) at which amplified music is played during the night (with or without intermissions) and is such as, by reason of its loudness and duration and the time at which it is played, is likely to cause serious distress to the inhabitants of the locality ; and for this purpose— (…) (b)’music’ includes sounds wholly or predominantly characterised by the emission of a succession of repetitive beats." Consulté le 12 novembre 2019.

[2Racaille.