Cinéphile
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Coup de coeurBASHING

Masahiro Kobayashi (Japon 2005 - maison de distribution : Cinélibre)

Fusako Urabe, Ryuzo Tanaka, Nene Otsuka

82 min.
19 juillet 2006
BASHING

Le Japon, et ce n’est pas le moindre mérite de « Bashing » de nous le rappeler, est un pays énigmatique.
Séduit par la modernité et le matérialisme les plus outranciers, il n’en reste pas moins profondément ancré à un nationalisme orgueilleux qui n’est sûrement pas étranger à l’actuelle reviviscence du mythe de Mishima, cet écrivain qui a justifié son suicide par seppuku au motif que son pays était en train de perdre son sens de l’honneur.

Cet événement, qui a eu lieu il y a plus de 35 ans, n’est pas sans rapport avec le propos de « Bashing » qui décrit, avec le trait juste du calligraphe, le retour chez elle d’une jeune femme volontaire dans une ONG et ex-otage en Irak

Yuko, au lieu d’être accueillie sinon dans la joie du moins dans l’indifférence, va connaître les réactions d’une société étriquée incapable de comprendre les raisons de son bénévolat et focalisée sur le sentiment de honte d’avoir dû monnayer sa libéralisation.

Agressée physiquement (le sens premier de « Bashing » est la volée de coups), harcelée par téléphone, humiliée, licenciée, témoin du désespoir de son père, il ne reste à Yuko, pour rompre la noirceur de son calvaire, qu’à repartir là où au moins elle se sent utile et où elle est reconnue comme telle.

Ce film passionnant et bouleversant, par son cadrage serré du corps et du visage de l’héroïne dont le chagrin retenu recèle une telle désespérance que, par un effet de capillarité dû au talent de l’interprète, il assaille le spectateur et le pousse à se poser une foule de questions, tant morales que politiques, sur le drame en train de se dérouler sous ses yeux.

L’individu a-t-il le droit de mettre en péril son pays au nom de son désir personnel de partir comme bénévole dans un pays en guerre ? Les parents sont-ils impuissants à consoler leur enfant d’une blessure ? Existe-t-il des mots et des gestes qui tuent tout autant que des armes ?
Peut-on conjurer la prévisibilité d’un drame ? Les notions de pays natal et de patrie, dans le sens d’endroit où l’on se sent en sécurité, sont-elles nécessairement indissociables ?

« Bashing » est un film complet. Il décille l’intelligence, il ouvre le cœur sur un chagrin, il pose un regard (qui ne s’embarrassant ni de morale ni d’émotion fait écho à celui de Haneke) sur un monde complexe.
Et si l’on en croit la définition du cher Imamura pour qui « observer l’être humain, voilà la matière du cinéma », il justifie amplement un déplacement dans les salles qui de toute façon sont moins obscures que les âmes de ceux qui les peuplent. (m.ca)