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BADEN BADEN

Rachel Lang

Salomé Richard, Claude Gensac, Zabou Breitman, Swann Arlaud, Olivier Chantreau...

95 min.
11 mai 2016
BADEN BADEN

Après un séjour en Angleterre et une expérience professionnelle un peu foireuse, Ana décide de revenir à Strasbourg, sa ville natale, où elle emménage chez sa grand-mère (Claude Gensac, qui avait notamment interprété la femme de Cruchot dans la série du Gendarme avec Louis de Funès). Mais celle-ci va devoir être hospitalisée. Alors, sur un coup de tête, Ana décide de lui faire une surprise pour son retour en installant une douche à la place de la baignoire. Sauf qu’elle n’y connait absolument rien en plomberie, mais ce n’est pas grave, elle va apprendre. Entre-temps, elle revoit son frère (Thomas Silberstein) et un ami (Swann Arlaud), avec qui elle entretient une relation un peu ambiguë. Elle recroise aussi un ancien amour, Boris (Olivier Chantreau), dont elle retombe sous le charme, au grand dam de sa mère (Zabou Breitman).

Avec Ana, nous ne savons pas où nous allons, mais nous y allons. C’est ce qui semble caractériser cette génération que Rachel Lang tente de décrire à travers ce premier long métrage, qui est aussi le troisième volet d’un triptyque sur le passage à l’âge adulte. En 2010, il y avait eu le court-métrage Pour toi je ferai bataille , suivi un an plus tard d’un deuxième, Les navets blancs empêchent de dormir .

Drôle et touchant, Baden Baden est peut-être un énième film sur la postadolescence, mais peu importe puisque cela continue à nous émouvoir. Rachel Lang retrouve ici son actrice fétiche, Salomé Richard. D’une justesse incroyable, la réalisatrice réussit à saisir des moments d’émotion si forts qu’ils en deviennent presque palpables à l’écran, sans pour autant user d’artifices. On devine dès lors le lien fort qui unit la cinéaste à l’actrice pour arriver à un tel résultat. Quant aux personnages secondaires qui gravitent autour d’Ana, ils ont tous une personnalité bien à part, qui contribuent à transformer la jeune femme. À la manière de Grégoire qui l’aide à poser les carrelages pour construire la douche, chaque personnage apporte sa contribution à la construction d’Ana en tant qu’individu.

Esthétiquement, le film oppose une forme très construite à un fond chaotique, qui traduit la difficulté pour l’héroïne à trouver sa place dans ce monde. Cette impression de contraste apparaît dès l’ouverture du film dans un long plan-séquence où nous découvrons Ana au volant d’une voiture, stressée et égarée, filmée en plan serré. En tant que spectateur, nous sommes instantanément plongés dans l’intimité de la jeune femme. Et c’est justement ce chaos qui règne à l’intérieur du cadre qui dénote avec l’immobilité de la caméra. Car durant toute la séquence, celle-ci ne bouge pas, du moins pas directement. La cinéaste utilise ces moyens du cinéma pour faire naître des sentiments et des émotions chez le spectateur envers le personnage principal. À plusieurs moments du film, elle place son héroïne dans un plan d’ensemble qui l’isole face à l’immensité du cadre. Cette démesure lui insuffle une certaine fragilité. Mais cette impression est rapidement contrebalancée par l’énergie qui émane de ce personnage. Affublée d’une coupe à la garçonne, d’un short trop grand et d’un débardeur, Ana est une sorte d’androgyne qui lui permet d’échapper aux stéréotypes d’un genre. Elle est un individu avant tout, qui s’explore et expérimente. Et malgré ses échecs professionnels ou amoureux, c’est un personnage actif qui ne subit pas, mais qui agit. Finalement, Baden Baden est une sorte de tableau vivant qui dessine le portrait d’une génération qui se cherche, échoue, se relève et continue d’avancer sans savoir où cela la mènera.

( Nathalie De Man )