Dessin animé de qualité stylistique +++
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Coup de coeurAZUR ET AZMAR

Michel Ocelot (France/Belgique/Espagne/Italie 2006 - distributeur : Cinéart)

Pour les enfants qui veulent en savoir plus : le numéro 492 de "Clés d’actualité Junior"

90 min.
25 octobre 2006
AZUR ET AZMAR

Plonger dans un film de Michel Ocelot c’est s’ouvrir à un monde d’impressions quasi tactiles de bien être et de beauté.

Le réalisateur a le knack pour équilibrer images et récit, paroles et musiques, lumières et matières. Si les illustrations happent par leur animation en 3D d’extrême qualité chromatique et technologique - d’autant plus surprenante qu’Ocelot travaille, si on le compare à ses concurrents Pixar, Ghibli, de façon quasiment artisanale - leur force est de ne pas exister que pour elles-mêmes mais d’être au service d’une histoire (d’une philosophie ?) belle et généreuse.

Qui s’enroule autour d’un grand thème : celui de la fratrie là où s’animent les premières relations avec l’autre. Le cinéma le sait bien, lui qui a toujours accordé son intérêt à cette cellule de base qu’elle soit biologique (« A river runs through it" de Robert Redford), de sang (« Stand by me » de Rob Steiner) ou de lait (« The fox and the hound" de Ted Berman)

Azur est un prince blond aux yeux bleus qui vit en Occident. Séparé brusquement de son frère de lait, un Asmar à la peau bronzée et aux yeux noirs, il le retrouvera beaucoup plus tard en Orient. D’abord rivaux, ils se rendront compte que s’ils allient leurs forces, ils seront plus forts et plus aptes à réaliser leurs objectifs.

Le film est familial, féérique (la sorcière de Kirikou est ici remplacée par la fée des Djinns), pictural - on nage entre le Douanier Rousseau, les enluminures persanes et celles du Moyen Age occidental – mais il est aussi un vibrant plaidoyer pour la tolérance qui rend obsolète l’idée du choc inévitable entre les civilisations. « Azur et Azmar » est un film très contemporain qui s’insère parfaitement dans ce courant de pensées soucieux de tisser des ponts entre la France et l’Islam depuis le Moyen Age (*)

Les spécialistes du conte disent aussi qu’il est le « dit de l’impossible », il est vrai que son propos a souvent ce quelque chose d’édifiant et de didactique qui attire le haussement d’épaules des cyniques, et pourtant son rôle est indispensable pour structurer une vision du monde qui donnera de l’élan et de l’allant pour contrebalancer, voire tenter de modifier, les duretés de la réalité véhiculée par les informations et auxquelles le jeune public est quotidiennement confronté.

Les esprits chagrins reprocheront à « Azur.. » sa naïveté, voire sa mièvrerie et c’est vrai que le film n’en est pas dépourvu mais là n’est pas l’essentiel. Sa valeur humaine et morale il la puise dans son message qui prône le dialogue à la confrontation, le métissage au racisme, l’ouverture à la différence au repli sur les similitudes. L’idée d’y faire coexister le français et l’arabe, sans traduction simultanée et sans impression de ne pas pouvoir comprendre, est une de celles qui font de « Azur.. » plus qu’un film d’animation.

Alors au bout du compte « Azur … » est-il aussi un film politique ? (m.c.a)

(*) l’ouvrage collectif sous la direction de Mohammed Arkoun, avec une remarquable préface de Jacques Le Goff aux éditions Albin Michel