Chronique dramatique
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ATTENBERG

Athina-Rachel Tsanfari (Grèce 2010)

Ariane Labed, Evangelia Randou, Vangelis Mourikis, Yorgos Lanthimos

95 min.
5 octobre 2011
ATTENBERG

Imaginez un cerf-volant aux couleurs hivernales, il se déplace lentement entre mer et usine ; oscillant mollement de mouvements répétitifs en déplacements erratiques, il ne semble poussé par aucun vent.

"Attenberg" est comme ce cerf-volant, il a besoin pour être dynamisé de l’intérêt du spectateur et de sa patience à lui trouver sens.

En l’occurence celui de l’ouverture à la vie d’une jeune femme en train d’accompagner, avec tendresse et âpreté, un père en train de mourir.

Travail d’apprentissage pour Marina, ombrageuse et lumineuse Ariane Labed qui a reçu pour sa prestation le Volpi de la meilleure interprétation féminine à la Mostra 2010, travail aussi d’individualisation pour elle qui, depuis la mort de sa mère, vit avec son père une relation fusionnelle qui rend son rapport aux autres difficile et méfiant.

Initiation au désir physique en même temps que découverte de la brièveté de la vie, le second film d’Athiuna - Rachel Tsangari est le parcours d’une jeune fille solitaire voire misanthrope vers une prise en charge d’elle-même.

Et une rupture avec l’image que lui a transmise son père d’un Monde surfait, glauque et uniformisé .

Au fur et à mesure de sa prise d’autonomie, la mise en scène se fluidifie. Quittant le parti pris de séquences apparemment incohérentes et sans lien les unes avec les autres, d’une prédilection pour les plans froids et distanciés pour une camera qui se rapproche des corps et les fouille au plus près de leur vulnérabilité.

Une caméra qui s’humanise pour finir par saisir l’intensité d’un chagrin dont les émotions, sans mots et sans pathos, traversent la pellicule comme si elle était un papier de soie pour venir s’agripper à nos cœurs et à nos souvenirs.

A savoir qu’assister à l’agonie d’un être aimé est une expérience douloureuse avec laquelle chacun s’accommode comme il peut.

La plupart du temps plombé par l’évidence que l’existence est trouée - ce que rend avec beaucoup d’intelligence formelle l’impression de manque de structure du film - et par un besoin de faire des choses saugrenues.

A connotation vaguement magiques comme si les exécuter suffisait à tenir à distance la faucheuse qui rôde.

Il y a chez la cinéaste de l’audace formelle (*) - choisir de raconter la souffrance en dehors des sentiers balisés des conventions esthétiques aisément décodables est une forme de courage artistique.

Il y a aussi de l’étrangeté, de la tristesse infinie, un hommage (ironique ? sceptique ?) au documentaliste-zoologiste David Attenborough et des références à Hal Hartley notamment dans sa façon de séquencer le rythme d’un récit d’inserts dansés qui semblent tombés du ciel.

Il y a enfin une attention méticuleuse à une bande son qui mélange les chansons du groupe Suicide et de Françoise Hardy.

« On se dit qu’à 20 ans on est les rois du Monde 

 Et qu’éternellement il y aura dans nos yeux

 Tout le ciel bleu ». - in « Le temps de l’amour »

Combien de temps dure cette illusion ?

Sûrement pas comme chez Angelopoulos "L’éternité plus un jour". (mca)

(*) et de l’audace tout court, comme elle l’a prouvé en produisant le dérangeant « Dogtooth » de son compatriote Yorgos Lanthimos qui raconte les ravages de l’éducation hyper protégée de 3 adolescents par des parents complètement barrés.