Film de guerre
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ARMADILLO

Janus Metz (Danemark 2010)
100 min.
16 février 2011
ARMADILLO

Peut-on avoir d’ « Armadillo » une idée claire ?

De celle qui entraîne une conviction totale et définitive.

Ou est-il un de ces films, trop nombreux, aux contours indéfinis. Qui laissent une impression de flottaison hésitant entre scepticisme et adhésion.

Ils sont jeunes, ils sont soldats et pendant 6 mois le documentariste Janus Metz va les suivre dans un camp de base danois, Armadillo, en Afghanistan.

Filmés au plus près des combats, des balles qui sifflent, de la nécessité d’être solidaires face à un ennemi mouvant - les Talibans -, ces jeunes recrues interpellent et angoissent.

Interpellent par leur courage, les doutes qui humanisent certains d’entre eux, leur besoin de garder un contact avec leur famille et angoissent parce qu’au fur et à mesure du temps passé sur le terrain les visages, les esprits, les attitudes changent.

Comme si, dans ce monde fait de sable et de caillasses, de cris et de peurs, il était permis à la créature barbare qui gît en de simples humains délivrés des lois propres aux périodes de paix de se réveiller et de déployer sa maléfique puissance.

Depuis le beau film de Kathryn Bigelow « The hurt locker » on sait (*) qu’il existe des hommes qui ont besoin pour se sentir exister de risques et de périls intenses. Depuis celui de Sam Mendès « Jarhead » que l’alternance des défaites et des victoires, toutes deux violentes, diffuse une indispensable adrénaline.

Même depuis Ben Stiller et son jubilatoire "Tropic thunder" - faux film de guerre dans lequel sont entraînés 5 acteurs sur le retour - on sait que les egos se surdimensionnent et dérapent en période troublée.

« Armadillo » n’apporte rien de bien neuf sur l’étrangeté de l’homme dit ordinaire tiraillé entre répulsion et attrait pour les situations extrêmes. Cet homme chez qui les désillusions et les brutalités répétées finissent par engendrer paranoïa et aliénations diverses.

Sous lesquelles les paramètres de valeurs et d’honneur fondent comme corps sous les balles pour laisser la place à un goût pour le sang, le chaos et la mort. Surtout celle que l’on donne avec cette impunité et/ou légitimité propre aux champs de bataille.

Guidé par une intention affichée de témoigner « vrai et en dehors de toute fiction », la caméra de Janus Metz, contrairement à celle de Brian de Palma dans "Redacted" qui dévide une histoire inventée à partir de faits réels, suit et scrute avec un naïf manque de recul critique et de crédibilité (trop de séquences sont faites pour émouvoir ou troubler) une réalité sinistre, toujours dure à voir.

Qui finit par induire chez le spectateur une confusion - pourquoi tant d’images choquantes dont la force outrancièrement mélodramatiques est bien éloignée de la nécessaire distance propre à celui qui se veut « témoin neutre » ? et un malaise – concernant le principe premier du documentaire : ne pas retoucher à ce qui est montré.

Sommes-nous vraiment au cœur d’un récit qui n’a pas été scénaristiquement ou formellement arrangé ? (**)

On n’a pas attendu Alfred de Vigny pour savoir que « L’homme est un loup pour l’homme », tout comme on n’a pas attendu Janus Metz pour prendre conscience que la guerre est à la fois un mal absolu et une drogue.

Fallait-il entourer ces truismes d’une surenchère de brutalité, les noyer sous un flonflon de musique aussi pesante qu’un char d’assaut et les assortir d’un symbolisme digne d’un travail de fin d’études … primaires - la scène finale de la douche purificatrice est d’une lourdeur qui ferait presque sourire ?

A chacun de se faire son opinion.

La nôtre est faite : le trop est décidemment l’ennemi juré du bien.

« Armadillo » a obtenu, lors du dernier festival de Cannes, le grand Prix de la Semaine de la Critique.

Sur le sujet d’une actualité toujours brûlante « Pourquoi la guerre ? », la correspondance (mince mais dense) entre Freud et Einstein vient d’être rééditée aux éditions de l’Herne. (mca)

(*) sans avoir à remonter aux plus prenants des Sam Fuller - "The steel helmet", "Fixed bayonets", "Merrill’s marauders".

(**) Question devenue sous-jacente à tant de films présentés comme des captations d’une réalité qui est ou a été : « The way back » de Peter Weir, « Survivre avec les loups » de Véra Belmont.