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APOCALYPTO

Mel Gibson (USA 2006 - distributeur : A-Film distribution)

Rudy Youngblood, Dalia Hernandez, Jonathan Brewer

138 min.
7 mars 2007
APOCALYPTO

Les anciens disaient que l’art était ce que l’homme ajoutait à la nature.
Mel Gibson est-il encore un artiste, lui qui, de film en film, avilit le miracle qu’est le 7ème art par une approche de plus en plus grotesque et déplaisante de situations humaines extrêmes ?

La question n’intéressera peut-être que celle qui la pose, puisqu’il ne fait aucun doute que depuis jolie lurette les films, pour avoir du succès, ont besoin de satisfaire à deux critères : être spectaculaire et en phase avec les instincts primaires et violents qui gisent en chacun de nous.

Mel Gibson c’est Paco Rabanne qui aurait conjuré sa peur eschatologique par le couteau et le sang. Comme dans les jeux vidéo, il faut à tout prix et sans cesse bouger, sauter, courir, agir pour juguler l’idée insoutenable que l’humanité, rongée par le péché, est vouée à disparaître.

Le Mexique au début du XVIème siècle. Avant d’être capturé par des guerriers mayas qui souhaitent l’offrir en sacrifice à leurs dieux, Jaguar Paw a le temps de cacher femme et enfant. Refusant le sort qui l’attend, il s’échappe et devient la proie d’une hémoglobilisante chasse à l’homme à travers forêts et marais.

Se faisant le chantre d’un cinéma viscéral au sens organique du mot, Gibson reprend le schéma ambigu de « Braveheart » selon lequel un époux et père de famille doit, pour sauver les siens, devenir aussi barbare et sauvage que ses ennemis.
Excellant à créer entre le héros et le spectateur un lien de trouble complicité, il joue de ce rapprochement malsain pour exposer les tortures les plus expressives avec une maestria qui serait incontestable si elle ne sentait à ce point le fumeux, le toc, l’émotionnellement fabriqué.

Même le recours à l’archaïque dialectique Maya est une fausse bonne idée. Il accentue le maniérisme tourmenté de l’entreprise plus qu’il n’en renforce l’authenticité.

Trop d’éventrations, de décapitations, d’arrachages de cœur aboutissent finalement à l’effet inverse de celui voulu par le réalisateur. Ils ne maintiennent pas le spectateur en état d’alerte, ils ennuient et au lieu d’ouvrir le regard sur la malfaisance d’une partie de l’humanité, ils aboutissent à se demander de quel trouble mental souffre Gibson pour éprouver tant de jouissance à montrer des hommes presque nus se torturer avec entrain ?

Les plus enragés à s’évader de cette vision dantesque, s’ils ne se lèvent pas de leurs sièges pour quitter la salle, écœurés et furieux de se laisser manipuler par les délires de l’auteur, auront toujours le loisir de se demander s’il existe des passerelles entre l’histoire racontée et l’Histoire actuelle.

D’après le cinéaste, elles sont légions. Mais il faut garder raison face à ce déboulement d’images dynamisées par un numérique virevoltant, et ne pas trouver de justificatifs politiques - certains évoquent une critique déguisée de la guerre en Irak - anthropologiques ou culturels à ce qui a été conçu pour être avant tout une fructueuse entreprise commerciale (*)

Ce serait lui faire trop d’honneur. (m.c.a)

(*) et à juste titre, hélas, puisque le film a déjà engrangé plus de 40 millions de dollars de recettes rien qu’aux USA.