ANKLAGET

Dès la première image, « Anklaget » vous saisit par sa couleur distante, étrangement métallique, qu’on pourrait qualifier d’a-émotionnelle.

Un homme plonge dans l’eau bleue et froide d’une piscine.
Plongeon impeccable, net comme un coup d’épée et décrivant autour de lui un minimum d’effet vibratoire.
Un plongeon de spécialiste effectué avec sang-froid et maîtrise.

C’est là notre première occasion de rencontrer Frederik (épatant Troels Lyby) maître nageur et surtout père d’une adolescente de 14 ans particulièrement renfermée sur elle-même.

Frederik est marié avec Nina. Leur vie de couple est épanouie et complice.

Un jour, pourtant, ce bel équilibre affectif et sexuel est ébranlé par le secret que leur fille, Stine, révèle à sa thérapeute scolaire. 
Son père aurait entretenu avec elle, à trois ou quatre reprises, des relations incestueuses.

Frederik est accusé ou selon le synonyme danois que je préfère « Anklaget » tant ces 3 syllabes claquent comme la herse de silence qui verrouille Stine avec autant d’implacabilité que celle de la porte de prison qui se clôt sur son père.

Commence alors une période pénible au cours de laquelle le héros est mis en examen, jugé et quoique relaxé il reste confronté aux regards des autres qui oscillent entre foi en son innocence et mise en doute de celle-ci.

Mouvement oscillatoire et malaisé à vivre mis en évidence par une caméra astucieuse, fluide mais aussi quasi documentariste cernant au plus près son sujet et ne s’égarant pas dans des considérations psychologisantes.

La vérité ne sera découverte qu’en fin du film.

Et pourtant « Angkaget » n’appartient pas à la catégorie des thrillers (*) même s’il induit chez le spectateur, un questionnement amplifié jusqu’à s’apparenter parfois au suspense (l’a-t-il fait ou non ? A-t-elle ou non menti ? Problématique longtemps sans réponse qui renvoie mais avec un resserrement plus aigu du propos au film de Cayatte « Les risques du métier »).

« Anklaget » est un drame. Un drame familial, douloureux, sordide et à connotation irrémissiblement famili-cide dans la lignée d’un « Festen » de Vinterberg

Le poignant de ce drame ne réside pas dans le fait de savoir ce qui s’est passé ou de comprendre le pourquoi de ce qui a eu lieu mais dans la révélation qui est faite par Frederik lui-même, au fil du discours auto-justificatif qu’il tient devant sa fille, de la fêlure dont il est porteur.

Fêlure qui le plongera dans une folie dont à la différence du quidam de la première image il ne remontera pas. (m.c.a)

 
(*) est-ce parce qu’il a travaillé avec Lars Von Trier que Thuesen continue à respecter le commandement 9 de Dogma « Ne pas tourner de films de genre » ?