Chronique familiale
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Coup de coeurANCHE LIBERO VA BENE

Kim Rossi Stuart (Italie 2006 - distributeur : ABC Distribution)

Kim Rossi Stuart, Allesandro Morace, Barbora Bobulova, Marta Nobili

108 min.
8 novembre 2006
ANCHE LIBERO VA BENE

Si l’une des facettes du talent est de savoir, avec cohérence, allier deux modes d’expression différents - la douceur et la violence - Kim Stuart (*) qui signe avec « Anche… » sa première réalisation, en est largement pourvu.

Un fils ne rêve que de football, un père veut en faire un champion de natation. Comment réconcilier ces deux désirs dont le spectateur se rend très vite compte qu’ils ne sont que les symptômes d’un malaise relationnel profond entre un jeune garçon réservé et sensible et un adulte obsessionnel et colérique ?

Cette trame minimaliste qu’un parti pris scénique et narratif épure de tout débordement sentimental, touche au meilleur de la tradition cinématographique italienne de de Sica à Scola en passant par « L’incompris » de Comencini.

A travers une histoire simple - comment faire face au cycle infernal de la décomposition/recomposition d’une famille lorsque une mère, par sa conduite amoureuse erratique, la met régulièrement en péril ? - le réalisateur pose un constat aux accents parfois tcheckoviens sur la fragilité humaine. Celle des adultes submergés par leurs pulsions et celle des enfants désarçonnés par les imperfections qu’ils décèlent chez leurs aînés.

Des thèmes forts et dérangeants parcourent ce film - la solitude, la tristesse consubstantielles à la vie, la complexité des relations conjugales et familiales, la folie douce de parents qui peinent à devenir adultes - auxquelles répondent, comme dans cette forme musicale décalée appelée le canon, des émotions difficilement adéquates parce que tantôt trop brusques tantôt trop protectrices.

Oscar Wilde dans sa pièce de théâtre « De l’importance d’être constant » avait traité, avec son ironique intelligence qui décape (et armure), la tendance de l’humain à participer au façonnage de son malheur, Rossi-Stuart porte sur même tendance un regard rageur et douloureux d’impossible rémission.

Par une succession de séquences rapides, quotidiennes, inconfortables souvent vues à hauteur de l’enfant, interprété par un bouleversant Alessandro Morace, le film attache parce qu’il inscrit, dans un cadre classique, des questionnements universels : comment faire face au désarroi ? Que peut-on transmettre à ses descendants quand on est soi-même dans une répétition d’échecs ? Est-il sain de choisir pour autrui ce qui est censé lui convenir ?

Rossi-Stuart n’a pas la prétention de fournir une solution, il suggère simplement que l’amour ne demande pas de définir ce qui est bon pour l’autre mais au contraire permet à chacun de se définir comme il le souhaite. Belle et chaleureuse liberté qui renvoie à celle du titre (**) « Anche libero » et augure (peut-être) d’un « va bene » à venir. (m.c.a)

(*) ce bel acteur du sensible « Les clefs de la maison » de Gianni Amelio ou du tragique « Romanzo Criminale » de Michele Placido
(**) qui est aussi le nom d’une célèbre équipe de football transalpin