Adaptation d’un livre
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ALATRISTE

Agustin Diaz Yanes (Espagne 2006 - distributeur : KFD)

Viggo Mortensen, Eduardo Noriega

146 min.
1er août 2007
ALATRISTE

Là où l’on attendait Milos Forman on trouve Agustin Diaz Yanes, scénariste et réalisateur manifestement inspiré par son envie d’adapter la série des « Aventures du Capitaine Alatriste » (*) de son compatriote Arturo Perez Reverte.

Il y a quelques semaines sortait sur les écrans le « Goya’s ghosts » du cinéaste tchèque. Dont la mise en scène ampoulée et sentimentale cadrait bizarrement avec le réel d’une Espagne de la fin du XVIIIème siècle et d’une Inquisition moribonde.

Avec « Alatriste » on a ce que l’on espérait de Forman. Un film plus consistant et moins baigné de l’esprit « feuilleton à rebondissements » d’un Dumas ou d’un Eugène Sue.

Situé sur la ligne du temps, un siècle avant « Goya’s ghosts », « Alatriste » se passe au XVIIème siècle dans une Espagne livrée à la toute puissance du comte-duc Olivares, le ministre du roi d’Espagne Philippe IV. Que son patriotisme exacerbé et sa haine des protestants conduiront, après la brillante victoire militaire de Bréda (1625), à la défaite de Rocroi (1643) qui scelle l’effilochage de l’Empire sur lequel Charles Quint ne voyait pas le soleil se coucher.

Au cours de ces vingt ans, une caméra attentive à une reconstitution historique de grande qualité va suivre celui le capitaine Alatriste - qui en fait n’est pas réellement capitaine, mais qui s’en soucie ? - que Reverte a campé, pour toujours dans notre imaginaire, par ces mots cursifs et incisifs : « Ce n’était pas l’homme le plus honnête et encore moins le plus dévot, mais c’était un homme courageux ».

Viggo Mortensen n’est pas seulement convaincant dans le rôle d’Alatriste. Il est magnifique, donnant à son personnage l’humanité voulue par Reverte, faite de vertus et de défauts, de bonté et de violence, de pudeur et d’intrépidité.

Alluré et chapeauté à la façon d’un Chat Botté dessiné par Gustave Doré, il ressemble parfois au meilleur d’un Kirk Douglas auquel la fatigue, le désenchantement et le courage l’apparentent jetant ainsi un pont de semblable entre le héros de « Paths of glory » et le mercenaire qui erre, entre deux champs de bataille, dans les rues de Madrid.

A mi-chemin entre la fresque historique et les impératifs romanesques, « Alatriste » réserve une part belle - la plus belle peut-être - à la lumière. Non pas celle des âmes, souvent tourmentées ou celle de l’époque, dictatorisée par une Inquisition encore nuisiblement présente mais celle des peintres qui ont œuvré à la renaissance espagnole, aussi appelée le Siècle d’or (Siglo de Oro) - Velasquez en tête que le réalisateur célèbre en s’attardant, longuement et presqu’amoureusement, sur plusieurs de ses réalisations (« Le marchand d’eau de Séville », « Les lances ou la reddition de Breda »).

Reverte, lorsqu’il fut reçu à l’Académie Royale Espagnole, prononça en discours d’intronisation, « La parole d’un brave du XVIIème » - en hommage évident à son héros inventé et à ce qu’il emprunte du réel.

Diaz Yanes n’est pas en reste de respect. Notamment en éclairant certaines scènes d’une façon qui rappelle les premières expériences de lumière naturelle d’un Vélasquez ou d’un Zurbaran, il illustre, avec éloquence, la façon choisie par ces peintres, d’exprimer des émotions à travers la réalité d’un portrait.

Et s’engage, en tant que cinéaste, à exprimer, par la voie de la même rhétorique luministe, les nuances et fulgurances de caractère de son héros. (m.c.a)

(*) paru aux éd. Points dans une traduction de François Maspero.