Occasion de réfléchir
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A PERDRE LA RAISON

Joachim Lafosse (Belgique 2012)

Emilie Dequenne, Tahar Rahim, Niels Arestrup

111 min.
30 mai 2012
A PERDRE LA RAISON

Lorsque l’amour fait perdre la raison

Avec sa dernière fiction, librement inspirée d’un fait-divers ayant défrayé la chronique belge, Joachim Lafosse continue à sonder les malaises au sein de la sphère familiale et à perturber un peu plus le spectateur.

À perdre la raison est un film poignant. Le cinéaste a su trouver le ton juste qui nous détache de la réalité de presse à scandale et parvient à la transcender afin de mieux l’observer et donner à cette histoire une dimension universelle. Joachim Lafosse nous invite à laisser les acteurs de la vie réelle en paix et à suivre le long processus psycho-pathologique qui amène une personne à la folie meurtrière, notamment, l’infanticide. Les malaises et les drames de la vie sont liés à la complexité de la nature humaine, que Joachim Lafosse filme dans une tentative de compréhension, sans juger ni justifier personne.

Comme il le dit : « Il n’y a pas de monstres, il n’y a que des actes monstrueux ».

Le réalisme avec lequel il met en scène cette tragédie grecque contemporaine rend d’autant plus forte la sensation de climat malsain dans lequel évolue les protagonistes. Émilie Dequenne incarne corps et âme le personnage de Murielle, une jeune mère aimante qui se décompose au fil des années. Le film révèle une fois de plus la remarquable interaction des acteurs Tahar Rahim et Niels Arestrup, ce duo aussi improbable que dérangeant d’Un prophète*, cloisonnés dans leurs rôles de bienfaiteurs oppressants.

Mal cadrés, les personnages débordent du plan comme s’ils cherchaient à s’enfuir. Mais chacun est enfermé, en lui-même autant que dans sa relation à l’autre. Scrutant désespérément les visages des protagonistes pour comprendre ce qui s’en dégage, la caméra, parfois hésitante et tremblante, nous introduit dans cette intimité afin de mieux l’examiner. À plusieurs reprises, des formes sombres et floues à l’avant-plan viennent obstruer ce qui nous est donné à voir, telles les ombres non identifiées de choses qui restent incertaines, autant de mystères irrésolus. 

( Lucrezia-Islin De Fraye)

* Un prophète de Jacques Audiard, 2008