Films de gangsters
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A BITTERSWEET LIFE

Kim Jee-woon (Corée du Sud 2006 - distributeur : Cinéart)

Lee Byung-hun, Sgin Min-a, Kim Young-cheol

118 min.
18 juillet 2007
A BITTERSWEET LIFE

« A bittersweet… est un intrigant oratorio. Qui se décline, comme les patronymes de ses acteurs, en trois dimensions : le tourmenté, l’implacable et le romantique.

Le tourmenté façon Caravage : choisir un propos et l’éclairer dans sa face la plus sombre et violente.

L’implacable façon Shakespeare : décider de se venger et donner à sa volonté une puissance carnassière.

Le romantique façon Fassbinder : filmer le sordide et la déchéance avec force et style sans oublier de les inscrire dans des fulgurances compassionnelles.

Sun-woo travaille pour Kang, un chef mafieux. Celui-ci le charge de surveiller sa petite amie, avec pour mission supplémentaire de ne pas hésiter à la supprimer au cas où elle le tromperait. Au mépris de l’allégeance promise à son « suzerain » Sun-woo décide d’épargner la jeune femme et son amant. Il en sera sauvagement puni.

Depuis que Quentin Tarentino a laissé entendre qu’il aurait volontiers décerner la palme d’or du festival de Cannes 2004, dont il était le président, au film du coréen Park Chan-wook « Old boy », le cinéma du pays du matin calme a la cote. Auprès du public et auprès de la critique.

Ce n’est pas « A bittersweet… » qui portera la première griffure à cette méritée réputation. Au contraire, sa netteté formelle et criardement colorée, sa sophistication classieuse, son ambiance suicidaire proche des plus intenses des films noirs suscitent chez le spectateur une émotion duelle, à la fois fascinée et révulsée, qui renforce la redoutable efficacité du thriller asiatique.

« A bittersweet… » n’est pas qu’une variation réussie sur les états d’âme d’un tueur séduit par la « fiancée » de son patron (comme John Travolta dans « Pulp Fiction »), il est une approche de la capacité pour un salaud à s’humaniser à l’écoute d’une musique jouée au violon - comme Romain Duris dans « De battre mon cœur s’est arrêté » s’ouvrait à une sensibilité déclenchée par un morceau de piano.

Ce qui rend crédible l’ascension du Golgotha de Sun-woo c’est l’interprétation qu’en donne Lee Byung-Hun. Beau comme Delon dans « Le samouraï » de Melville, il réussit à donner masse et élégance à l’ambiguïté la plus périlleuse : une part de pureté cadenassée dans un corps et des réflexes de criminel.

La Corée est la patrie du Taekwondo, cet art martial dont la rigueur chorégraphiée est l’assise de sa puissance. Elle est aussi la patrie des ombres et des esprits qui font se demander si ce qui arrive est bien réel ou n’est que le reflet d’une illusion, d’un fantasme (*). Ce que pourrait donner à penser la dernière image du film : un combat imaginaire de Sunwoo avec son reflet dans une baie vitrée. (m.c.a)

 
(*) Kim Jee-won aurait donné à lire à Lee Byung-hun « La joie de vivre » d’Emile Zola pour qu’il puisse s’inspirer, avant le tournage, de cette peinture psychologique d’un névrosé traqué par une idée fixe : la peur de la mort (in « Le nouvel observateur » du 4 mai 2006)