Le Tournai Ramdam Festival se hisse dans le top 3 des festivals les plus fréquentés de Wallonie
Pour sa 7ème édition le Tournai Ramdam Festival a pulvérisé son record de fréquentation en enregistrant une hausse de 23,5% par rapport à 2016. Ce ne sont pas moins de 23.174 festivaliers qui se sont pressés aux portes du complexe Imagix de Tournai (et à Ath lors des deux journées courts-métrages). Tant à l’ouverture du Festival, qui présentait en avant-première mondiale le film belge de Nabil Ben Yadir, « Dode Hoek », que lors de sa clôture, avec le film « Lion » de Garth Davies, les salles affichaient complet et les organisateurs ont même été au regret de refuser du monde.
S’il ne fait nul doute que la sélection extrêmement pointue du Ramdam, qui repose sur un concept aussi nécessaire que porteur (le cinéma qui dérange), est l’un des facteurs du succès croissant de ce jeune festival, l’esprit et l’atmosphère qui s’en dégagent contribuent également à sa réussite. En permettant aux spectateurs d’entrer en contact direct avec les acteurs, réalisateurs, scénaristes ou experts invités à la suite des projections, le Ramdam se démarque de ce qui se fait habituellement dans les autres festivals où les professionnels du cinéma sont, la plupart du temps, maintenus à l’écart du public. L’atout de cette proximité décontractée, génératrice d’échanges humains, constitue une carte maîtresse qui ravit tout autant les festivaliers que les invités de marque du Festival. Certains nous confiaient d’ailleurs que cette prise directe et spontanée avec les réactions, émotions, critiques ou commentaires du public constitue le plus authentique et le plus utile des feedbacks par rapport à l’aboutissement de leur travail cinématographique. Enfin, les débats que les films soulèvent entre festivaliers (après les projections et même dans les files d’attente), ainsi la présence désormais accrue de spectateurs venant de France et de Flandre démontrent ô combien le grand public est demandeur d’ouverture et friand de culture (et le succès des trois expositions couplées au Festival [1] en atteste également). En appréciant un cinéma qui sort des sentiers battus, qui fait fi du politiquement correct ou qui est trop vite catalogué comme un cinéma d’auteur prétendument seul accessible à une élite, les spectateurs du Ramdam prouvent donc que le repli sur soi, les préjugés et le carcan des a priori ne sont pas encore devenus les normes dominantes de notre société.
Côté Palmarès, à l’exception du Prix du Jury de la Presse et de la Critique UCC – UPCB, c’est comme toujours le public qui a élu dans chaque catégorie le meilleur film et le plus dérangeant.
FICTION
Meilleure fiction : NEBEL IM AUGUST
Notre avis : Encore méconnu sur la scène internationale mais primé aux Bavarian Film Awards, ce film allemand de Kai Wessel, qui s’est assuré la collaboration de l’excellent acteur Sebastian Koch (« La vie des autres », « Black Book » et « The Danish Girl »), est sans doute l’une des grandes découvertes du Ramdam. Tiré du livre éponyme de Robert Domes, « Nebel im August » relate l’histoire vraie et tragique d’Ernst Lossa, assassiné dans un hôpital psychiatrique à l’âge de 14 ans sous couvert d’euthanasie par le régime nazi, aboutissement de l’opération Aktion Brandt, rebaptisée ultérieurement Aktion T4. Orphelin de mère, issu de la communauté yéniche, catalogué comme faisant partie des « populations improductives et inutiles » pour l’Allemagne, il fut comme 200.000 autres allemands l’innocente victime d’un système prêt à commettre toutes les ignominies pour asseoir la souveraineté de l’idéal aryen. Très académique dans sa mise en scène mais terriblement poignant, « Nebel im August » fait partie de ses films plus que jamais nécessaires, qui permettent non seulement un face à face frontal avec l’Histoire et ses tabous mais œuvrent aussi à un travail de mémoire collectif indispensable si l’on veut tirer toutes les leçons du passé.
Fiction la plus dérangeante : BRIMSTONE
Notre avis : Too much is te veel. Le réalisateur néerlandais, Martin Koolhoven signe un western dénué de toute subtilité et inutilement sanglant, sombre avatar de « La Nuit du chasseur ». Ne reculant devant aucun excès, le cinéaste force le trait de ses personnages qui, au fil de l’histoire, outrepassent les archétypes de la caricature. Qu’il s’agisse de la violence commise à l’encontre des femmes depuis des millénaires que du sadisme, de la perversion ou de la bondieuserie perfide, tous les oripeaux de l’outrance sont réunis et forment un ensemble indigeste.
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DOCUMENTAIRE
PRIX DE LA PRESSE et DE LA CRITIQUE UCC – UPCB
Le Jury de la presse, composé de sept journalistes - Aniko Ozorai (Notélé), Audrez Ronley (L’Avenir) Maïté Warland (Radio Nostalgie), Guillaume Guilbert, Sandro Faes et Julien Vlassenbroek (RTBF), Christie Huysmans (CinéFemme - Membre de l’UCC) – a quant à lui motivé son choix comme suit :
« Dans un monde surinformé, parfois chaotique, l’ombre et la lumière s’entrechoquent souvent mais elles méritent toutes deux d’être révélées. Raison pour laquelle le Jury a décidé de distinguer deux documentaires.
Parce qu’il a défié les lois du secret, parce qu’à travers une prodigieuse investigation, il a fait émerger de l’ombre la menace invisible d’une guerre qui, tragiquement, n’en est qu’à ses débuts, le Prix de la presse et de la critique UCC – UPCB est décerné à « ZERO DAYS » d’Alex Gibney.
Mais tout espoir n’étant pas perdu, le Jury a également tenu à délivrer une mention spéciale à un documentaire qui nous rappelle que l’éducation, la lucidité et les richesses de l’enfance constituent les fondations essentielles de l’avenir. Une mention « Coup de cœur » est donc accordée à « PAS SANS NOUS » (« Nicht ohne uns ») de Sigrid Klausmann. »
Notre avis : Déjà présenté à Berlin l’année dernière en compétition officielle, le documentaire « Zero Days » avait secoué la critique. Le réalisateur Alex Gibney, oscarisé en 2008 pour Taxi to the Dark Side revient sur la découverte en 2010 du malware (logiciel malveillant) Stuxnet par des experts informatiques. L’enquête complexe mais extrêmement fouillée du réalisateur américain révèle que ce programme, devenu incontrôlable, et qui a d’ailleurs endommagé à l’échelle planétaire les services informatiques de nombreuses entreprises et institutions publiques, a été mis au point par les Etats-Unis et Israël comme arme de guerre contre l’Iran afin d’affaiblir ses dirigeants dans leur course à l’arme atomique. La mise au point de ce malware n’a pas manqué d’avoir des effets pervers inattendus qui se sont retournés contre ses instigateurs. Des répliques iraniennes ont déjà eu lieu aux Etats-Unis comme en Israël, et l’escalade semble inévitable. Plus grave encore, la cyber attaque développée dans le cadre de l’opération « Olympic Games » ne semble être que le début d’une guerre informatique mondiale sans fin qui risque bien de menacer des milliers de vies humaines et innocentes. Les gouvernements et les services impliqués dans cette cyber attaque ont toujours nié les faits, et c’est la loi du silence et du secret qui prédomine, mais la longue et détaillée investigation d’Alex Gibney ne laisse planer aucun doute quant à leur responsabilité effective.
Cette plongée effarante et inquiétante dans un univers miliaire, qui utilise désormais l’informatique comme une redoutable arme de destruction massive, nous décrit un avenir se profilant comme apocalyptique. Cependant, sept ans après les faits que révèle « Zero Days », qu’en est-il vraiment ? Le réalisateur s’est-il montré trop alarmiste ? Nous avons eu le plaisir de rencontrer Jean-Jacques Quisquater, expert mondial en cryptographie, qui nous livre sa vision des faits et nous éclaire quant aux perspectives que l’avenir pourrait nous réserver. (Lire notre interview)
« PAS SANS NOUS » est un documentaire qui, par sa portée didactique, mériterait d’être largement diffusé dans les écoles car il permettrait assurément à nos chères têtes blondes de prendre conscience du confort et du luxe dont ils disposent en matière d’accès à l’enseignement. En donnant la parole à 16 enfants issus de 15 pays différents et venant des 5 continents, pour lesquels le chemin vers l’école constitue un vrai parcours du combattant, Sigrid Klausmann nous démontrent ô combien les enfants posent un regard perspicace sur leur environnement proche comme sur la marche du monde. Pourtant, en dépit de leurs différences culturelles et de leur éloignement géographique, tous aspirent aux mêmes rêves et nourrissent des espoirs identiques quant à l’avenir de la planète et au devenir de l’humanité.
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PRIX DU PUBLIC
Meilleur documentaire : UNE JEUNE FILLE DE 90 ANS
Notre avis : Déjà primé au FIFF par le public, ce documentaire émeut par la beauté des regards croisés et des sourires qui s’échangent entre un chorégraphe, dont les mouvements rayonnent la bienveillance, et Blanche, une dame âgée de 92 ans, atteinte de la maladie d’Alzheimer. En ressuscitant l’esprit et le cœur à travers les impulsions enfouies du corps, Thierry Thieû Niang parvient à faire oublier à Blanche la maladie de la mémoire et à raviver la grâce du sentiment amoureux. Mais s’il touche notre sphère intime en nous rappelant celles qui sont ou ont été nos grands-mères, ce documentaire, qui accuse quelques répétitions, nous met aussi face à un éventuel devenir qui demeure terrifiant.
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Documentaire le plus dérangeant : #MYESCAPE
Notre avis : Formellement original, ce documentaire allemand nous livre à l’état brut le parcours de migrants venus d’Afghanistan, d’Erythrée et de Syrie qui, munis de leur téléphone portable comme s’il s’agissait d’une bouée de sauvetage, ont filmé leur assaut vers la liberté et la sécurité. Si le point fort de ce documentaire réside dans la vérité sans fards que nous relatent ses protagonistes, l’aboutissement ou la réalisation effective des rêves qu’ils poursuivaient en arrivant en Allemagne prouvent aussi que l’intégration n’est pas un vain mot lorsqu’elle s’enracine dans une volonté commune et réciproque d’accueil et de découverte. Cependant, une question se pose : où sont les femmes ? Car, à deux exceptions près, tous les « acteurs-réalisateurs » du documentaire sont masculins.
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COURTS MÉTRAGES
Compétition nationale
Le meilleur : COMPLICES
Le plus dérangeant : POUBELLE
Compétition internationale
Le meilleur : BARBARA
Le plus dérangeant : LISTEN
PRIX CLIP CLAP
Comme chaque année, la Confédération Parascolaire du Hainaut organise un concours de critiques en partenariat avec plusieurs écoles de Wallonie, de Flandre et de France. Cette année, ce sont 1000 jeunes qui ont été invités à regarder en même temps le film « Noces » de Stephan Streker et à remettre leur copie en un temps record. L’initiative mérite d’être soulignée car au-delà du challenge qu’elle constitue, elle permet à ces jeunes adolescents de se frotter à un cinéma leur permettant de regarder le monde différemment et d’aiguiser plus amplement leur sens critique.
Premier Prix WAPI : Florent Triaille, Athénée Jules Bara -Tournai
Premier Prix à Courtai : Lucie Vandemaele, Lyceum Onze Lieve Vrouw - Courtrai
Premier Prix à Lille : Mathieu Baesen, Lycée Raymond Queneau – Villeneuve d’Ascq
(Christie Huysmans)
[1] Dalí Pitxot, « Une amitié au cœur du surréalisme » au Musée des Beaux-Arts de Tournai jusqu’au 16 avril 2017. Marc Lagrange avec « Hôtel Maritime, chambre 58 » chez Rasson Art Gallery jusqu’au 5 mars 2017. La Gacilly, exposition des photos de Daesung Lee et Quentin Bruno, site extérieur du complexe Imagix jusqu’au 31 janvier 2017.