Coup de coeur
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Coup de coeurTHE SAVAGES

Tamara Jenkins (USA 2007 - distributeur : 20th Century Fox)

Laura Linney, Philip Seymour Hoffman, Philip Bosco

117 min.
20 février 2008
THE SAVAGES

Après les « Roses » (*), les « Tenenbaums » (**), bienvenue aux « Savages ». Les premiers avaient inquiété, les seconds amusé, les derniers émeuvent.

Ils sont trois. Un père dont la santé décline, une fille coincée entre un quotidien médiocre et des envies de devenir dramaturge, un fils professeur d’université, très engagé dans ses recherches sur Brecht et tout aussi inhibé dans ses relations amoureuses.

Arriveront-ils à briser leur égoïsme pour prendre en charge leur ascendant devenu trop sénile pour rester indépendant ? Y a-t-il une limite aux devoirs filiaux ?

Ces questions essentielles pour la plupart d’entre nous lorsqu’ils sont confrontés à la déchéance de leurs proches - ce que de Gaulle appelait « le naufrage » -, Tamara Jenkins va les aborder à bras-le-corps. Mais en veillant à ce que le cœur soit toujours à portée de mains.

Avec « The Savages », le cinéma touche à une donnée si souvent gommée sous les voiles du documentaire pur et dur ou de la fiction tire-larmes : la vérité dans ce qu’elle a de fragile, d’humain, de culpabilisant, d’inéluctable.

Tamara Jenkins ne nous propose ni un film plombé ni une happy end. Elle propose mieux que cela.

Une réflexion sur la responsabilité des enfants envers leurs ascendants même s’ils ont beaucoup de choses à leur reprocher.

Sur la difficulté de s’extraire de son égocentrisme pour aider celui qui en a besoin, de sortir de la jalousie envers son collatéral.

Sur le fait qu’on peut ne pas oublier les mauvais traitements, ni même les pardonner, mais les dépasser.

Pour se rapprocher de ce qui a manqué quand on était enfant : une famille.

C’est parce que celle-ci va se créer, sous nos yeux, entre un frère et une sœur qui se sont longtemps perdus de vue, que chacun trouvera le courage d’apprivoiser sa "savagery" affective, et de mettre en réalisation ses atermoiments - elle deviendra dramaturge, il s’engagera vis-à-vis de celle qu’il aime.

La mort d’un père a souvent un effet libérateur parce qu’elle est un repère de temporalité. Sans lui l’enfant-adulte a perdu son protecteur naturel contre la mort. Dorénavant il sera en ligne de front face à la Faucheuse.

Prise de position dont on ne détermine pas le moment mais qui contraint à réfléchir sur ce que l’on veut faire du bout de chemin qui reste.

Ce qui est certain avec le couple fraternel de « The Savages » c’est que l’après sera moins repli sur soi et plus ouverture à l’autre.

Pour donner corps à ces finesses de scénario et participer à l’équilibre d’une mise en scène naturelle, deux acteurs formidables sont à la barre.

Lui, Philip Seymour Hoffman, épatant de film en film et qui donne à son personnage cette secrète densité qui ne va pas chercher l’émotion chez le spectateur. Mais la suscite par touches légères et délicates.

Elle, Laura Linney dont la sensibilité (***) erre dans les sourires et dans les larmes avec une justesse qui donne l’impression à celui qui la regarde qu’il a l’âme assez grande pour comprendre, ressentir les moindres frisottis des sentiments humains.

On aurait aimé qu’elle ait l’Oscar 2008 de la meilleure actrice. (m.c.a)

(*) Avec Kathleen Turner et Michael Douglas
(**) Avec Gwyneth Paltrow, Angelica Huston, Gene Hackman, Ben Stiller
(***) Aussi éclatante dans "The savages" que dans "The squid and the whale" de Noah Baumbach