Drame social et intimiste
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Coup de coeurTHE DUCHESS

Saul Dibb (Distribution : Cinéart)

Keira Knightley, Ralph Fiennes, Hayley Atwell, Charlotte Rampling, Dominic Cooper...

110 min.
7 janvier 2009
THE DUCHESS

Ne vous fiez pas à vos idées préconçues sur les films d’époque, celui-ci vous emportera certainement malgré vous et votre réticence à voir à nouveau (1) la talentueuse et mélancolique Keira Knightley en robes et corsets. En effet, The Duchess est un film universel qui résonne en termes actuels malgré le fait que l’histoire se plante à la fin du dix-huitième siècle en Grande-Bretagne.

Georgiana, une jeune femme pleine de malice d’à peine 17 ans, le corps vibrant de vivacité, la tête peuplée de rêves trop avant-gardistes pour son temps, voit son destin chamboulé lorsque sa mère conclut un accord de mariage avec le Duc de Devonshire. Celui-ci s’avère être un homme austère et rude qui éprouve un intérêt bien plus grand pour ses chiens que pour sa nouvelle épouse.

Face à un foyer sans amour, cette dernière trouve un certain réconfort dans la vie mondaine. Très vite d’ailleurs, elle se voit adoptée par la haute société de l’époque, qu’elle ravit par son éloquence et son goût pour la mode. Mais le poids des conventions envahit rapidement la vie quotidienne de la jeune Georgiana qui, malgré tout, envisage le monde dans lequel elle évolue avec une lucidité poignante.

Car la vie n’est pas simple : déchirée entre les contraintes liées à sa position sociale et son esprit libre et rebelle, elle accepte les multiples liaisons de son mari, subit les regards réprobateurs de la société quant à son incapacité à engendrer un héritier mâle et entretient un amour passionnel, mais impossible, pour le jeune politicien et futur Premier Ministre Charles Grey.

Dans le château où vagabonde l’âme esseulée de cette Duchesse cohabite également le Duc de Devonshire, un homme froid et distant en apparence, incarné par Ralph Fiennes. Sa performance amène le récit à un niveau que peu d’autres films du genre ont réussi à atteindre. On le croit insensible et rustre, on le découvre étouffé par les mêmes obligations que celles qui pèsent sur les jeunes épaules de son épouse.

Loin des clichés unidimensionnels qui habitent trop souvent les drames d’époque, The Duchess parvient à atteindre un haut degré émotionnel grâce à une approche esthétique majestueuse ainsi qu’une intrigue en marge des clichés habituels, mais aussi et surtout grâce au personnage de cette femme trop moderne pour son époque, incapable de se plier entièrement à la société ultra-patriarcale dans laquelle elle vit.

Saul Dibb, un réalisateur qui gagne en expérience au fil des réalisations, crée donc un sous-texte d’une subtilité et d’une sensibilité fortes. L’émotion surgit soudain, au détour de scènes qui marquent les esprits de manière indélébile.

The Duchess est un de ces films qui ne s’oublient pas de sitôt et dont les images continuent d’accompagner le spectateur bien après qu’il ait quitté la salle obscure, car le désir de liberté qui anime l’héroïne, ses espérances pour la condition féminine ainsi que son profond désarroi et son impuissance pour la défendre, rappellent que les combats quotidiens de chacun pour se faire reconnaître en tant qu’être à part entière sont loin d’être terminés.  (Ariane Jauniaux) 

(1) Après notamment « Pride and Prejudice » (2005) et « Atonement » (2007) de Joe Wright