Cinéphile
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TAXIDERMIA

Gyorgi Palfi (Hongrie/France/Autriche 2005 - distributeur : Imagine)

Csaba Czene, Gabor Maté, Marc Bischoff

92 min.
30 août 2006
TAXIDERMIA

Pour les uns grotesque, pour les autres extravagant, pour d’autres encore dégoûtant, Taxidermia »
est loin de faire l’unanimité, même s’il a reçu, avec « Friss Levegö » d’Agnès Kocisis, l’Iris d’Or du Festival du Film Européen de Bruxelles 2006

Et s’il était avant tout le symptôme lumineusement repérable d’une jouissance qui fait penser à celle de l’enfant qui s’ébat dans la boue ou les mots orduriers quand il sait que l’adulte n’est pas là pour le gourmander ou lui rappeler que cela ne se fait pas ?

« Taxidermia » a été réalisé en 2005 par un jeune réalisateur hongrois, Gyorgi Palfi.

Seize ans après la chute du Mur de Berlin et le desserrement du contrôle soviétique sur ses pays satellites. Seize ans durant lesquels la Hongrie a appris à se montrer frondeuse et tourmentée, rebelle et iconoclaste sans avoir à craindre la censure ou la mise au pas politique.
Sans avoir à redouter d’endosser ou de racheter les erreurs de son passé.

L’histoire s’axe autour de trois épisodes (dont deux sont inspirés de nouvelles de l’écrivain Lajos Nagy) centrés chacun sur une génération qui sans ressembler tout à fait à la suivante ne s’en distingue pourtant viscéralement pas.

Le grand-père soldat est le souffre-douleur de son supérieur. Il n’échappe à ses frustrations que par l’intermédiaire d’un fantasme cochon (au sens propre et figuré).
Son fils, un héros du peuple mange à en éclater et son petit-fils, un jeune taxidermiste - qui pour contrebalancer l’obésité monstrueuse de son père est maigre comme un clou - fait de son corps un champ d’exploration artistique tel un macabre Orlan.

Composé d’images à la fois organiques et symboliques, « Taxidermia » est une variation énigmatique et provocante sur les rapports physiques que l’on peut avoir avec soi et avec ses géniteurs.

A la fois inspiré par la tradition littéraire burlesque de son pays et par les ambitions de l’art moderne de pactiser avec le temps (les travaux de plastination de Gunther von Hagens sont pour Palfi une incontournable référence ) « Taxidermia » est un film singulier dont la fantasque modernité souligne la solitaire constitution de l’être humain.

Son côté anti-glamour et ses débordements visuels s’ils permettent de rattacher le cinéaste à cette lignée de réalisateurs « off » comme Tod Browning, Marco Ferreri, Peter Greenaway, ne doivent pas faire oublier que ce film est aussi un film engagé.
Politiquement engagé lorsqu’il métaphorise la volonté expansionniste du communisme par la goinfrerie illimitée de l’un et socialement dénonciateur du narcissisme contemporain lorsqu’il ausculte le souci d’intemporalité corporelle de l’autre.

Film dégueuloir et convulsif sans doute mais aussi et surtout film surprenant de maîtrise qui offre à Marc Bischoff un rôle d’introverti fiévreux qui confirme l’excellence de ses prestations dans « Lola, Rennt » ou dans « Good Bye Lenine » (m.c.a)

Site officiel du film : www.taxidermia.hu/indexen.htm