Tatiana Vilhelmova, Pavel Liska, Ana Geislerova
Faut-il nécessairement être tchèque pour avoir l’art de « foutre sa vie en l’air » ?
Certainement pas, mais il faut bien du talent, et les Tchèques en ont, pour exprimer ce sentiment subtil et déchirant d’une vie qui passe sans donner l’impression d’être réellement vécue.
Comme « L’immeuble Yacoubian » de Marwan Hamed ou « Escalier C » de Jean-Charles Tacchela, « Something… » s’intéresse aux destins de plusieurs habitants d’un même immeuble, perdu au cœur d’un pays figé dans ses difficultés à entrer dans la modernité économique.
Film-procrastination sans être pourtant source de désenchantement, « Something… » saisit par sa douceur et son humanité. Par son approche, forte et délicate comme celle de Leos Janacek dans son opéra « Katia Kabanova » des replis secrets de l’âme, là où se cache la vulnérabilité de la nature humaine.
Monika a la possibilité de rejoindre son fiancé parti aux Etats-Unis. Ecartelée entre l’envie de quitter une ville d’où ne sourd aucune possibilité d’avenir et le besoin de ne pas laisser sans protection et affection les petits enfants d’une voisine dépressive, la jeune femme hésite.
Depuis que Flannery O’Connor leur a consacré un livre, on sait que « Les braves gens ne courent pas la rues » (*), mais qu’ils existent néanmoins, anonymes et courageux, sensibles à la détresse d’autrui et assez généreux pour essayer de la soulager. Ou plus modestement pour aider à l’affronter.
A plusieurs, on peut se tenir chaud. C’est ce que murmure ce film qui ne juge pas, ne fustige pas et ne tente même pas d’expliquer le mal-être de ses personnages. Il les regarde avec cette rare bienveillance d’où s’échappe une tendresse qui vous étreint et vous fait penser que, finalement,
s’ouvrir au bonheur ne demande pas d’être riche et puissant. Il suffit d’être attentif à celui qui se trouve à côté de vous.
Dans « Something… » il y a un peu de l’esprit de « Ensemble c’est tout » d’Anna Gavalda porté à l’écran par Claude Berri. Il y a surtout ce qu manquait à ce film pour lui donner une réelle authenticité : une caméra humble, des acteurs tous parfaits, et une cohérence surprenante entre la pudeur d’un propos et la retenue du cadrage, quasiment sans hors-champ, qui l’exprime.
« Something… » est, vraisemblablement, un no budget movie. Si c’est le prix à payer pour un cinéma sincère et lumineux, soumettre la plupart des productions hollywoodiennes à une drastique diète financière devrait devenir un impératif. (m.c.a)
(*) éd. Gallimard, collection Folio