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LES PREMIERS LES DERNIERS

Bouli Lanners

Bouli Lanners, Albert Dupontel, Suzanne Clément, David Murgia, Max von Sydow,
Michael Lonsdale, Serge Riaboukine

98 min.
24 février 2016
LES PREMIERS LES DERNIERS

Des cieux gris glacés qui rejoignent la ligne d’un horizon infini, des
routes et des ponts dont la parfaite rectitude flirte avec le vide, des
plaines immenses, balayées par le vent, des arbres décharnés au travers
desquels scintille faiblement une lumière hivernale argentée, des décors
industriels à l’abandon, apocalyptiques mais sublimes, une
station-service et un motel perdus au milieu de nulle part, un bar que
l’on croirait tout droit sorti d’un film américain des seventies… C’est
là l’univers singulier et l’atmosphère poétique qui se dégagent de
manière picturale du quatrième long-métrage de Bouli Lanners.

Se
situant à mi-chemin entre le western moderne au cœur duquel pulse une
indéfinissable belgitude et le road movie rehaussé d’une « American
touch » empreinte de nostalgie, Les Premiers Les Derniers [1] se
regarde comme une fable où l’ordre, la justice, la compassion et la
miséricorde vont tenter de se frayer un chemin au milieu du chaos.
Sans
doute faut-il, tel un rêveur au bord de l’endormissement, se laisser
bercer par la profonde tendresse et la touchante sensibilité dont
témoigne le réalisateur à l’égard de tous ses personnages pour apprécier
à sa juste valeur cette étrange odyssée. Une odyssée atypique,
symbolique, à la fois légère et spirituelle, au cours de laquelle vont
se rencontrer des âmes égarées qui portent en eux une part indéfinie de
divin, des êtres marginalisés, déroutés, que la vie a tenté de briser,
des hommes que l’âge a rendus sages, une figure christique aussi
surréaliste que salvatrice…

En opérant un chassé-croisé insolite
d’où le burlesque n’est pas exclu, Bouli Lanners trace à la fois les
lignes brutes du bien et du mal, et fait sourdre, tel un maître
aquarelliste, la complexité d’une mosaïque humaine qui se perd, se
cherche et se (re)trouve dans les méandres flous d’un sombre maelström
au centre duquel jaillit néanmoins la lueur de l’espoir.

Et si la
fin du monde n’était que le commencement d’un nouveau départ,
annonciateur d’une renaissance, d’une résurrection parmi les vivants. Vivre ce n’est pas seulement respirer , nous rappelle le cinéaste ; et si, au final, le salut consistait à croire que le paradis n’est pas un lieu mais un état d’âme  ?


( Christie Huysmans )

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[1] Sélectionné dans la prestigieuse catégorie Panorama au
Festival de Berlin, le film de Bouli Lanners a été doublement primé. Il
a remporté le Prix Europa Cinémas Label et le Prix Œcuménique