Cinéphile
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Coup de coeurLE 4ème MORCEAU DE LA FEMME COUPEE EN 3

Laure Marsac (France 2007 - distributeur : Ecran Total)

Laure Marsac, Denys Podalydès, Gisèle Casadesus, Claire Borotra

70 min.
8 août 2007
LE 4ème MORCEAU DE LA FEMME COUPEE EN 3

Les aphorismes ont une part de vérité. Celui de Georg Christoph Lichtenberg, « un livre est un miroir : si un singe s’y regarde, ce n’est évidemment pas l’image d’un apôtre qui apparaît », rappelle, avec un sens réjouissant de l’image, que la littérature est nourrie par celui qui la lit. Comme un film est nourri par le regard de celui qui le voit.

Ce que la rêveuse héroïne, Louise, appelle dans ce film au titre énigmatique, la pulsion scopique. Une de ces pulsions avec laquelle travaille un analysant lorsqu’il est en cure analytique et qui lui permet, par l’imaginaire, de dénouer les fils trop ou mal serrés de son réel.

Trouver, au sein de son couple, de sa famille et de la société, sa place - son 4ème morceau - est le défi que va se lancer une jeune femme en décidant de passer son permis de conduire.

Jusqu’à présent, Louise, fille, épouse et mère - ses trois morceaux - a traversé la vie juchée sur d’élégants escarpins qu’elle porte rouges en souvenir d’une enfance (*) qu’elle n’arrive pas à complètement quitter. Attache à la fois affective et dépendante qui la déséquilibre dans sa vie d’adulte et lui donne l’impression de ne jamais être complètement « comme il faut ».

Lors d’un test d’évaluation proposée par son moniteur d’auto-école - un épatant [comme d’habitude (**) Denis Podalydès ] -, une question la déstabilise : est-ce la nécessité ou le désir qui la meut dans son envie de pouvoir se déplacer en auto ?

Demande en apparence simple mais dont la réponse déterminera un enjeu différent. Prolongation d’immaturité s’il s’agit de nécessité, prise en charge individuelle et assumée s’il s’agit d’un désir.

Ce n’est qu’au cours d’une péripétie mineure, un oubli de clé à l’intérieur d’une auto de location,
que Louise saisira la portée de l’interrogation, reconnue alors pour ce qu’elle est : une quête d’indépendance désirée depuis un souvenir d’enfance où elle s’est retrouvée, bloquée, sur le siège arrière d’une auto conduite par sa mère.

Ce film court mais pas petit, mystérieux mais décodable selon la perception de chacun, léger mais
sérieux est l’inattendu cadeau d’une jeune femme qui, 23 ans après avoir remporté le césar du meilleur espoir dans "La pirate" de Doillon, passe à la réalisation de son premier long métrage (***).

Concentré de suggestion et de subtilité, sans lâcher d’une semelle son sujet tout en privilégiant un
élégant bancal de mise en scène, « Le 4ème morceau… » touche à l’essentiel de ce qui fait une vie : la recherche (et parfois la découverte) de qui on est. (m.c.a)

(*) comme Dorothy dans "The wizard of Oz" de Victor Fleming
(**) « Versailles rive gauche », « Liberté-Oléron » de Bruno Podalydès, « Il est plus facile pour un chameau… » de Valeria Bruni-Tedeschi
(***) son premier court date de 2004, « Une star internationale » avec Charlotte Gainsbourg et
Julie Leibowitch que l’on retrouve en directrice d’auto-école dans "Le 4ème morceau…"