Zhara Addioui, Rashid Debbouze, Yassine Azzouz, Mohamed Nachit
Boum ! Voilà un film qui fait boum et pas seulement parce qu’il y est question d’un attentat.
Si « La désintégration » frappe autant les esprits c’est parce qu’il ouvre un vrai débat - de quelle vérité le terrorisme est-il le symptôme ? - tout en réunissant le challenge en parlant du présent d’évoquer le passé et d’anticiper un avenir sombre si aucune réponse n’est apportée aux questions qu’il soulève.
Philippe Faucon a l’acuité du regard du rapace dont il porte le nom. L’acuité et l’implacabilité.
Sa proie, l’endoctrinement religieux qui aveugle et rend kamikaze (*), il ne la lâche pas d’une serre.
En moins de 80 minutes, il nous entraîne avec une efficacité à laquelle un certain didactisme n’arrive pas à enlever un pixel de pertinence dans une mécanique de destruction d’une intégration qui peu à peu devient la seule issue possible au mal-être individuel et social des personnages principaux.
Mal-être-conséquence d’un sentiment d’exclusion et d’injustice éprouvé par un jeune français d’origine maghrébine incapable, en raison de ses racines, de trouver un emploi de stagiaire.
Conséquence qui deviendra la raison d’une désillusion, d’une autodépréciation, portes ouvertes à toutes les réactions réparatrices, compensatrices, revanchardes.
Film qui parle de dérive, de conversion, de fanatisme d’un côté et d’incompréhension voire de racisme de l’autre, des dangers encourus par des garçons sans avenir lorsqu’ils rencontrent un endoctrineur charismatique, « La désintégration » est une magistrale démonstration des apories.
Qui attendent les sociétés multiculturelles si des solutions ne sont pas élaborées pour contrer les engrenages engendrés par des sentiments d’humiliations ou de leurre (**) insuffisamment pris en considération par les politiques ou les institutions (écoles, police, justice ...).
Le propos de Philippe Faucon, s’il est décliné avec la précision d’une flèche soucieuse d’atteindre sa cible, attirer l’attention sur un chancre de banlieue avant qu’il ne devienne catastrophe autant généralisée qu’ ingérable, n’est pas qu’un discours tissé de clichés négatifs.
Il nous parle aussi d’intégration professionnelle réussie, de responsabilité personnelle, de mariage mixte, d’Islam tolérant et présente le mérite de nous rappeler que l’intérêt du cinéma n’est pas toujours de réinventer le Monde mais de tenter de l’expliquer pour le comprendre.
Filmé à hauteur d’acteurs tous formidables (notamment la mère d’Ali, courageuse et respectueuse des croyances de l’Autre), mis en scène avec rigueur, vigueur et concentration, « La désintégration » n’a pas froid aux yeux.
Ces derniers, il les pose, sans écriture manichéenne ou parti pris de voir dans le réel vécu par Ali une circonstance atténuante à toutes les déviances, sur un des problèmes les plus cruciaux de l’époque.
Comment faire pour que dans le face à face entre les lectures possibles du Coran, la modérée et la radicale, ce soit la première qui l’emporte ? (mca)
(*) « Bunker paradise » de Hany Abu-Assad
(**) à quoi sert-il d’étudier si les diplômes ne débouchent que sur des voies de garage ?