Réflexion politique
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L’EXERCICE DE L’ETAT

Pierre Schoeller (France 2011) - à la production les frères Dardenne

Zabou Breitman, Olivier Gourmet, Michel Blanc, Didier Bezace

112 min.
2 novembre 2011
L'EXERCICE DE L'ETAT

 

De quoi abdique t-on quand on devient un homme politique ?

Dans le dernier film de George Clooney « The ides of march » qui porte un regard (que l’on aurait aimé moins dopé aux clichés du « règlement de comptes") sur les pratiques électorales aux Etats Unis, les valeurs sacrifiées sont celles dont le candidat à la Maison Blanche fleurit hypocritement ses discours : l’intégrité et la dignité.

Et dans le film de Pierre Schoeller ?

Bertrand Saint-Jean est un ministre des transports dans un gouvernement libéral. Acceptera- t-il de mener à bien le projet de privatisation des gares auquel en tant que centriste il devrait être naturellement opposé ?

C’est un Olivier Gourment très crédible et bien entouré par un Michel Blanc convaincant en chef de cabinet et une Zabou Breitman parfaite en directrice de la communication qui est chargé de porter les couleurs du désir.

Désirs d’ambition et de puissance qui minent peu à peu un homme honorable et aux valeurs initialement humanistes.

Le minent et finissent par pourrir sa vie quotidienne et corroder les idéaux qu’il défendait notamment la dangereuse perte de contrôle du politique sur une économie de plus en plus axée sur la productivité et la rentabilité à n’importe quel prix.

La politique ne fait pas de cadeau et pour faire partie de son cercle de happy ( ou cynic ?) few, il faut souvent cesser d’être ce que l’on est pour devenir ce que « L’exercice de l’Etat » exige.

Cette prise de position dont la vérité ne fait que confirmer ce que le spectateur lit et entend tous les jours sur les véreuses compromissions voire turpitudes de ceux censés diriger un pays est soutenue par une écriture cinématographique claire, intelligente, accessible à tous et incarnée par une mise en scène efficace, réaliste et plutôt physique si l’on excepte une introduction lourdement symbolique tissant un lien entre deux types de pulsion.

L’érotique et l’étatique.

Il y a quelque chose d’effrayant et d’odieux (*) dans cette histoire parce qu’elle conforte ce que nous sommes beaucoup à penser, l’homo politicus a cessé d’être un homo sapiens.

Parce que le bon sens qu’il accepte de perdre, il le remplace par une ambition qui, comme toute addiction, finira par le piéger.

Perdu dans un labyrinthe de fallacieuses nécessités qui enchaînent les sondages inutiles aux communiqués de presse, les dossiers à charge d’un concurrent aux études superfétatoires.

Perdu et seul. A un millisievert de la corruption.

Après avoir été distingué à Cannes dans le section "Un certain regard" de cette année, "L’exercice de l’Etat" a reçu au FIFF 2011 le Bayard d’Or du meilleur scénario. (mca)

(*) ce qui n’était pas le cas avec les deux autres films politiques de l’année - « La conquête » de Xavier Durringer, trop farce et « Pater » d’Alain Cavalier, trop fictionnel - mais pourrait le redevenir avec le projet de Serge Moati. Assurer sur FR3 une fois par mois, un documentaire sur les coulisses de la campagne électorale Elysée 2012.