Ecran Total
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JUVENTUD EM MARCHA ou EN AVANT JEUNESSE !

Pedro Costa (Portugal 2007 - distributeur : Ecran Total)

Mario Ventura Medina, Vanda Duarte, Beatriz Duarte

155 min.
9 juillet 2008
JUVENTUD EM MARCHA ou EN AVANT JEUNESSE !

« En Avant, Jeunesse ! » est un film qu’il faut aborder préparé, muni d’un certain recul, d’une certaine mise en condition, tant il est radical dans sa mise en scène, rigoureux à l’extrême, exposant un univers pétrifié dans une misère désincarnée plus qu’il n’y entraine.

Construit sur la prémisse du refus de montage, le film s’élabore autour d’une suite de plans séquences d’une longueur interminable. Lenteur à la limite du supportable, qui pose le spectateur dans une position à part, rarement rencontrée au cinéma, où il n’est plus question de réfléchir en terme d’actions ou de construction narrative.

Il n’y a pas d’aventure dans ce film, ni même d’évènement. Il n’y a que des personnages, miroir d’un trajet, d’un vécu, d’un flot d’émotions mal gérées qui resurgissent par vagues, par à-coups.

Personnages placés dans des lieux pétrifiés, empreints de cette odeur mortuaire des quartiers pauvres, déclassés, petit à petit oubliés, laissés pour compte.

Seul Ventura, le personnage central, voyage entre ces espaces statiques, il passe de l’un à l’autre, sans semblé en être lui-même affecté. Une seule chose le préoccupe, obsessionnellement : le fait que sa femme l’ait quitté, préférant vivre seule cette vieillesse ingrate. 

Il n’y a que cela. Que des brides de paroles, des mots déclamés dans le vide plus qu’échangés, des morceaux de discours donnés comme support au spectateur.

Le reste se situe au niveau de l’image. Une image magnifique. Des plans statiques construits à l’extrême, jouant d’un travail de l’ombre, d’une construction de la lumière proche de l’expressionisme de Murnau, d’un jeu de contrastes tranchés pour mettre en scène ce lieu dépouillé qu’est le quartier Fontainhas. 

Pedro Costa fait preuve d’un esthétisme qui frôle le maniérisme. Et cet ascétisme visuel, s’il touche au sublime dans sa forme, rend le suivi du film éprouvant. Cet aspect puriste et radical entrave le spectateur, muselle son émotion.

Car cette beauté plastique rare tient d’un hiératisme acharné, d’une raideur solennelle où un système esthétique majestueux rencontre un récit totalement dépouillé, centré autour de la seule figure du sordide, sous toutes ses formes.

Expérience en soi, son abord est donc plus que complexe. Certains qualifierons ce film de sublime, d’autres regretterons son ascétisme forcené.

L’essence de « En Avant, Jeunesse ! » se situe peut-être dans ce paradoxe, dans cette ambivalence des sentiments qu’il suscite, entre admiration sans borne et rejet épidermique. (Justine Gustin)