Coup de coeur
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Coup de coeurIN BRUGES

Martin McDonagh (GB 2008 - distributeur : Upi)

Colin Farrell, Raplh Fiennes, Brendan Gleeson

105 min.
2 juillet 2008
IN BRUGES

La séduction est chose étrange. Et son champ d’application infini. Personnages et lieux, ambiance tiraillée entre burlesque et violence, rien n’échappe, dans "In Bruges" - sauf le titre absurde dans sa traduction française "Bons baisers de Bruges" - à ses filets unificateurs et paradoxaux.

Chacun sait que pour réellement fasciner, la séduction se doit de valser avec le mortel. Ingrédients soudés comme les deux faces de Janus et avec lesquels le film joue de façon précise, intense et loufoque.

Cette première réalisation de Martin McDonagh - qui prétend avoir été envoûté lors d’un week-end touristique par la cité chantée par Rodenbach - amuse par son humour british et les chamailleries de deux collègues de travail dont les différences d’âge et de tempérament - un placide et un suicidaire - autorisent une sorte de filiation adoptive tendre et bourrue.

Drôle et singulier travail que celui de Ray et de Ken. Ils sont tueurs à gages. Envoyés à Bruges pour se faire oublier et surtout pour l’un d’eux, le plus jeune et le moins rompu aux aléas du métier, tenter d’oublier la bavure d’un dernier contrat.

Egarés dans une ville qui regorge de références picturales et muséales, les deux compères vont être rattrapés par le réel : l’ordre donné à l’un d’entre eux d’exécuter l’autre par un Ralph Fiennes hystériquement « tarentino-isé ».

Quand au rythme d’une action s’ajoutent l’originalité d’un scénario, le décalé d’une atmosphère qui teinte le désespoir de comique (ou le contraire), le tout soutenu par des acteurs convaincants et attachants, la visite vaut le détour.

Surtout quand pour le prix d’un seul ticket, le spectateur a droit au « Jugement dernier » de Jérôme Bosch, à une définition du purgatoire (« c’est quand on n’est ni bon, ni mauvais, comme Tottenham »), à un hommage au « Don’t look now » de Nicolas Roeg (*), à l’accent irlandais de Farrell, à une rencontre surprenante avec un nain raciste et cocaïnomane et à la première apparition de Jérémie Renier dans un film vouée à une audience internationale d’envergure.

Sans oublier les réflexions sur le sens de la vie qui rappellent que le réalisateur est aussi un dramaturge (**) et que la comédie noire à l’anglaise (***) est la seule à allier moralité et subversion.

Raison pour laquelle sans doute on la qualifie de grinçante.

Le magazine « Première » du mois de juillet 2008 propose en page 20 un subtil décryptage de l’affiche du film. Prouvant en quatre topiques à quel point « In Bruges » est une œuvre mineure sans doute mais inclassable et séduisante sûrement. (m.c.a)

(*) Avec Julie Christie et Donald Sutherland et adapté d’un roman de Daphné du Maurier
(**) En 2004, sa pièce « The pillowman » a remporté le Prix Laurence Olivier

(***) « The ladykillers » d’Alexandre Mackendrick, « Kind hearts and coronets » de Robert Hamer