Emmanuelle Devos, Bruno Todeschini, Michael Lonsdale, Bulle Ogier, Lambert Wilson
Dès son aurore, le ton du film est donné. Il sera jubilatoire et saugrenu comme l’était le film précédent de Sophie Fillières « Aïe » (2000).
Fontaine Leglou (une Emmanuelle Devos qui endosse avec un charme désarmant le rôle d’une douce déjantée) est anesthésiste dans une clinique psychiatrique. Elle a pour compagnon un spécialiste en tectonique des plaques qui lui demande de l’épouser.
Proposition qui déclenchera chez elle une turbulence névrotique faite de contre-sens, de malentendus et de confusions.
Ce film est un bel ouvrage, au sens artisanal du terme, soutenu par des dialogues intelligents, fantasques et vertigineux qui renvoient chacun à la folie (plus ou moins cachée) qu’il porte en lui.
Cet univers louftingue fait penser au non sense cher aux Anglo-Saxons mais avec une nuance qui l’idoinise d’une french touch : la logique y reste rationnelle même lorsqu’elle se détourne du bons sens.
Si le comique empoigne chaque situation c’est aussi pour mieux voiler l’arrière fond dépressif de la condition humaine, les blessures qui griffent les relations affectives, la panique qui s’empare de certains au moment de prendre une décision qui va les engager pour la vie.
Le loufoque comme antidote au mal existentiel, la bizarrerie comme réponse à l’énigme de la vie donnent à ce film une étrangeté et une tonicité proches du mouvement dada dans sa définition d’Hugo Ball « un jeu de fous dans le vide ».
« Gentille » est une invitation à ne pas craindre les originaux et à cesser de croire que les inadaptés de la vie moderne n’ont comme alternative que la clochardisation ou les électrochocs.
Vivre ce n’est pas uniquement survivre rappelle délicatement Mademoiselle Fillières et pour ceux qui ont des difficultés à faire face aux injonctions du quotidien, il existe peut-être une solution : les affronter d’une façon farfelue. (m.c.a)