A voir avec les ados
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EZRA

Newton I. Aduaka (France/nigéria 2007 - distributeur : BrunBro)

Marianne N’Diaye, Emile Abossolo M’bo

106 min.
21 mai 2008
EZRA

En distribuant des films comme « Ezra », BrunBro ne choisit pas la facilité.

Mais il ré-institue le cinéma dans une de ses fonctions : rendre compte de la réalité de pays lointains, mal connus et à propos desquels circulent des informations lacunaires.

Honoré au Fespaco (*) 2007 d’un « stallion » d’or, présenté à Bozar ce 10 avril 2008, sélectionné au 4ème Festival Belge des Films Africains, et en sortie uniquement dans une salle du pays, le Studio Koop de Gand, « Ezra » est à la fois une histoire et un documentaire.

Une histoire : l’accusation d’une sœur portée contre un frère amnésique, ex enfant soldat sierra-léonais, d’avoir tué en 1992 leurs parents.

Un documentaire : par son absence de dramatisation émotionnelle de la réalité, « Ezra » est un regard-témoin sur la déchirante tentative d’un adolescent de reprendre une vie normale.

Après avoir été embrigadé de force par des milices passées maîtres dans l’art de corrompre psychologiquement, moralement et chimiquement des écoliers.

Pour rendre cet insoutenable, le réalisateur choisit de fragmenter son récit, donnant à chacun de ses segments la violence d’un uppercut et d’opposer, en rafales croisées, des retours vers le passé et des confrontations avec le présent.

Une des forces d’« Ezra » est de rendre compte, par une bande son expressivement féroce, de ce qui ne peut être dit avec des mots.

Approche sonore particulièrement éprouvante par laquelle Aduaka réussit à donner une forme à l’inconcevable.

On n’est pas dans un récit de cinéma ( « Diamond blood » d’Edward Zwick) ou dans l’allusion elliptique (« Si le vent soulève les sables » de Marion Hänsel). On est dans un quotidien fait de dureté qui demande à l’ex-enfant bourreau de reconnaître sa culpabilité, prélude à une réhabilitation sociale reconnue par un tribunal de réconciliation nationale fonctionnant sous les auspices de l’ONU.

De l’état de bourreau à celui de victime, le chas de l’aiguille est étroit.

La maladresse (ou amateurisme ?) scénique et le martèlement du propos propre à la technique du téléfilm n’enlèvent rien à la force d’ « Ezra » qui, à cause de sa brutalité, constitue pour les adolescents une intéressante plateforme de débat sur les droits de l’homme et de l’enfant dans un pays en guerre.

Une façon pour les jeunes Occidentaux de prendre politiquement conscience que le monde ne tourne pas autour de la dernière tournée de « Tokio hotel », du nombre d’entrée de « Bienvenue chez les Ch’tis » ou de la paire de Converse de l’année. (m.c.a)

(*) Le « Cannes » du continent africain.