Docu-reportage
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CONGO RIVER

Thierry Michel (Belgique 2005 - distributeur : Cinélibre)

Prix CICAE (meilleur film d’Art et d’Essai europén) au festival de Berlin 2006

116 min.
22 février 2006
CONGO RIVER

Filmer dans un pays qui sort de luttes fratricides et dont certaines régions sont encore sous l’emprise de chefs de guerre violents n’a pas été chose facile ainsi que l’explique le réalisateur dans les coulisses de la préparation (ou making off) de son film.

Pourtant Thierry Michel, qui est un peu à l’histoire moderne du Zaïre ce que Michelet fut à celle de la France, n’a pas hésité, tout au long des 4.371 kms qui séparent l’embouchure du fleuve Congo de sa source, à remonter l’histoire d’un pays dévasté à travers des documents d’archives et d’actualité.

Si son discours est avant tout celui d’un documentariste soucieux de conserver une certaine neutralité, son regard peine à garder une position indifférenciée tant la force des images montrées fait écho à la souffrance d’un peuple pillé, violé, et cyniquement abandonné à son sort.

D’habitude c’est par la route que les cinéastes partent à la rencontre d’un pays et de ses habitants, Thierry Michel déroge à l’habitude du « roadmovie » pour privilégier le « rivermovie » et comme Mark Twain l’a fait pour le Mississipi, de décrire le rapport étroit entre la nature et l’humain qui l’habite.

Exposant avec pudeur des scènes du quotidien, qu’il soit festif (chants, danses) ou douloureux (les enfants soldats, le naufrage d’une barge), « Congo river » capte l’émotion des regards et l’authenticité des témoignages sans jamais se départir d’une rationalité cinématographique qui garde hors cadre tout débordement affectif.

Le film n’élude pas l’ambivalence inhérente à la colonisation qui, motivée au départ par la volonté de conquérir et d’exploiter, est aussi un important vecteur de modernité, tout comme il n’hésite pas à montrer à quel point certaines zones de ce vaste pays sont encore actuellement soumises à la violence de brutaux seigneurs de la guerre.
Ces mai-mai et leur chef dont la cruauté rappelle celle de Mister Kurtz du « Au cœur des ténèbres » de Joseph Conrad qui a inspiré à Francis Coppola la composition exigée de Marlon Brando dans « Apocalyse now ».

Congo River est un film empreint de scènes souvent terribles et pourtant le spectateur ne sort pas anéanti de la projection mais étrangement confiant dans la vitalité d’un peuple à se sortir de sa poignante Histoire. (m.c.a)