Biopic
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COLETTE

Wash Westmoreland

Keira Knightley, Dominic West, Eleanor Tomlinson, Fiona Shaw, Al Weaver, Denise Gough

111 min.
16 janvier 2019
COLETTE

Derrière tout écrivain se cache une écrivaine

Colette ne naît pas Colette. Colette devient Colette. Elle naît à Saint-Sauveur, mais meurt à Paris. Comme elle l’écrit d’ailleurs : « Je suis née à Saint-Sauveur. (...) Probablement, je n’y mourrai pas ». Elle épouse Henry-Gauthier Villars, surnommé Willy, qui l’emmène à Paris. Willy est un écrivain. Du moins, il aime à le penser. En réalité, il est joueur, séducteur, menteur et fauché un jour sur deux. Lorsque ses écrivains, mécontents de n’être payés, démissionnent, Willy se tourne vers sa jeune épouse qui écrit déjà ses lettres. Hésitante, la jeune prodige, ignorant encore son propre génie, se lance dans l’écriture de Claudine à l’école. Aussitôt publié, le roman est acclamé et présenté comme étant le chef d’œuvre de Willy. C’est à ce moment que l’adolescente devient femme, et que Sidonie-Gabrielle laisse place à Colette, la romancière secrète. Au fur et mesure que la féministe se réveille dans une société d’hommes, Colette découvre sa bisexualité, et la volonté de vivre librement, indépendamment, l’envahit. Si Willy accepte de partager son épouse avec une autre femme, il sera moins ouvert à l’idée de partager le rôle d’auteur.

Wash Westmoreland se lance dans une aventure féministe avec Rebecca Lenkiewicz et Richard Glatzer en écrivant ce biopic, non pas épique, mais bien assez flatteur de Sidonie-Gabrielle, dite Colette. Féministe ? Pas entièrement, à vrai dire. La touche féministe se ressent dans l’écriture certes, ainsi que dans le contenu, mais la réalisation est bel et bien masculine. Ni angle de caméra, ni lumière particulière, ni mise en scène décalée n’apportent un peu de fantaisie dans cet enchaînement de séquences assez classique. Cependant, je me pose la question de savoir si Mr. Westmoreland a volontairement mis en place une réalisation classique, pratiquée chez nombre de réalisateurs, afin d’entrer en symbiose total avec le personnage de Colette. En effet, la jeune femme se découvre bisexuelle au fil du temps, et développe un côté femme-homme par la suite, que l’on pourrait qualifier d’androgyne de nos jours. Ainsi, le réalisateur définit un contenu féministe, mais sous une forme masculine. C’est une hypothèse à ne pas négliger, et qui surtout justifierait le classicisme de l’histoire d’une femme en avance sur son temps.

Wash Westmoreland et son acolyte Richard Glatzer, issus du cinéma indépendant américain, aiment la femme comme personnage central depuis Echo Park L.A. sorti en 2005. Malgré le décès de son conjoint, nous espérons que le réalisateur ne se lassera pas des la gente féminine et lui permettra de porter fièrement ses prochaines œuvres au succès. Rappelons-nous la prouesse que fut Still Allice (2014) et la fabuleuse interprétation de Julianne Moore qui lui a valu un oscar.

Si Wash Westmoreland fait du cinéma indépendant, Wash West, en revanche, débute sa carrière dans l’industrie pornographique gay. L’un et l’autre ne sont pas indissociables, mais ne produisent pas des films avec la même intention, ni avec la même portée. Mais revenons à Colette.

Colette est donc un film semi-féministe. C’est un film historique. C’est un film biographique. Du moins, il raconte une partie des événements vécus par cette célèbre romancière du 20es. J’utilise avec intention les mots « partie » et « événements », car il s’agit bien ici d’un tracé historique des points clefs de la carrière débutante de notre écrivaine. Cependant, l’axe choisit n’en est pas moins intéressant. Tel un biopic, et donc telle la vie, le scénario se veut cyclique : le film ouvre sur le mariage de la jeune fille et s’achève sur son divorce. Un début, puis une fin. Une naissance, puis un décès.

Le mariage de Colette au surnommé Willy lancera sa carrière de romancière, en sous-marin. Son divorce, la fera émerger à la vue de tout Paris. Cependant, ni mise en scène, ni bande son ne se développent au fil du récit et restent monotones, a contrario du caractère de Keira Knightley qui s’ouvre de plus en plus, passant de l’étouffement d’une jeune fille de la campagne à la libération d’une femme de Paris.

Un casting à unique défaut. Le choix de Keira Knightley pour l’interprétation du personnage principal est à point. Sinon le physique pas assez charnu de la comédienne, l’attitude, le regard, la tenue, sont autant de points communs entre les deux femmes de différentes époques. La comédienne britannique incarne à merveille la femme française, lettrée, et en devenir. Quant à Dominic West, il incarne délicieusement le rôle odieux de Willy, qui excelle dans l’orgeuil et l’opulence. Son jeu disparaît dès les premières minutes du récit pour laisser place à une vraie incarnation. Une seule déception sur le choix du casting est qu’il est anglophone. Les personnages étant français, et parlant donc le français, le casting ne devrait-il pas également être francophone, ainsi que dans la langue de Colette ? Mais voici un défaut dont les anglophones ne parviennent pas à se détacher.

Costumes et décors sont également à remarquer. Ils se veulent authentiques, et se fondent dans la narration avec élégance. Bien qu’ils ne transcendent pas l’écran, ils sont minutieusement choisis pour installer ce 4eme mur tout en douceur et crédibilité.

Le film américano-britannique que nous a livré Wash Westmoreland sort dans les salles belges dès le 16 janvier prochain. Je conseille donc aux cinéphiles de débuter l’an 2019 sur une note féministe avec Colette.

(Sat Gevorkian)