Wendy Chinchilla Araya, Daniel Castaneda Rincon, Ana Julia Porras Espinoza
Empreint de réalisme magique, « Clara Sola », premier long métrage de la suédo-costaricienne Nathalie Álvarez Mesén, est une ode à la vie et à l’importance de s’affranchir des contraintes sociales et religieuses. Le film suit le mouvement de Clara, de cette femme enfant connectée aux éléments de la nature, qui va se libérer de sa cage pour prendre son envol.
Nous sommes au Costa Rica, dans un coin reculé de la forêt tropicale, où trois générations de femmes se partagent une maisonnette abritant également une imposante statue de la Sainte Vierge. Clara, la quarantaine, sa grand-mère Fresia, qui s’occupe d’elle, et la jeune nièce Maria sont unies dans des rapports d’amour et de souffrance, car elles sont coincées dans des rôles et des contraintes qu’elles répercutent sans cesse. Clara a un pouvoir de guérison mystique et ancestral, que sa grand-mère met à profit, condamnant Clara à son rôle de guérisseuse, recluse dans un monde cantonné, où les malades viennent lui rendre visite et la vénèrent telle une madone. Clara travaille pour Dieu comme elle dit en rigolant. Dans cette réalité bridée, elle est dépossédée d’une part d’elle-même, elle ne peut s’épanouir pleinement. Sa soif de liberté va ébranler ce monde trop étroit et trop petit d’esprit.
En décalage par rapport aux codes des êtres humains, Clara est en revanche en harmonie dans la nature foisonnante, proche des animaux avec qui elle communique et crée des liens forts et intimes. L’arrivée d’un jeune homme va réveiller le désir de Clara, un désir depuis toujours opprimé. Cette éclosion est la clef de sa quête initiatique, ouvrant les portes de l’émancipation par le biais d’un appel à la fois doux et bestial du plaisir et de la sensualité. Clara ne fait que suivre son instinct, celui qui lui permettra de vivre pleinement.
Cet étonnant premier film sort des conventions pour permettre à Clara Sola de s’exprimer et au spectateur d’être à son niveau, de partager sa sensibilité et de vivre cet éveil sexuel et spirituel avec elle. Au-delà de la volonté de briser les conventions qui nous brident, la cinéaste met en scène de façon très critique le rôle des femmes dans ce qu’elles s’infligent entre elles et à elles-mêmes. « Le fait d’être une femme ne signifie pas qu’on hérite d’une pensée féministe, au contraire ! C’est d’abord la pensée normative du patriarcat que se transmettent les femmes entre elles. Je l’ai constaté dans ma propre famille et j’ai voulu en parler dans mon film. Il faut ouvrir nos yeux sur cette responsabilité des femmes dans leur propre oppression. »
« Clara » Sola est un film d’initiation lyrique, filmé avec une extrême subtilité et délicatesse, créant une atmosphère cotonneuse où l’on se laisse porter comme sous hypnose à une réflexion sur la vie, sur la liberté qu’elle nous offre et dont on a besoin pour la vivre. La danseuse Wendy Chinchilla Araya, dont c’est le premier rôle au cinéma, incarne Clara Sola avec une force sauvage et une tendresse enfantine vraiment admirables.
Lucrezia De Fraye