Drame politique
1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s) 1étoile(s)

BLOOD DIAMOND

Edward Zwick (USA 2006 - distributeur : Warner Bros)

Leonardo DiCaprio, Jennifer Connelly, Djimon Hounsoun

143 min.
24 janvier 2007
BLOOD DIAMOND

S’il est vrai que la fiction peut en apprendre autant sur une réalité qu’un documentaire, encore faut-il que cette fiction soit portée par un scénario vraisemblable et jouée avec un minimum de crédibilité.

Autant « Das leben der anderen » de Florian Henckel fait mouche parce qu’il touche au vrai d’une époque - celle de la RDA des années 1980 -, autant « Blood diamond » déçoit parce qu’il éloigne le récit d’une sincérité intrinsèque et pose la question éthique de savoir si toute réalité peut être exposée sous la forme d’un divertissement.

Les années de guerre civile en Sierra Leone. Dany Archer, un cynique ex-mercenaire convoite un diamant caché par Solomon, un pêcheur envoyé en camp d’extraction du précieux minerai par les forces rebelles. La route des deux hommes croise celle d’une journaliste qui enquête sur l’exportation illicite de ces pierres précieuses.

Après « Le bon, la brute et le truand » voici « L’amoral, l’honnête et l’idéaliste »

S’il est vrai que « Blood diamond » aborde des sujets graves :

* l’hypocrisie d’un monde occidental qui spécule sur les guerres civiles africaines pour s’enrichir
* les atrocités qui tissent le quotidien des pays en guerre
* l’endoctrinement des enfants-soldats 

il le fait dans un cadre tellement empreint du sensationnalisme et de l’héroïsation propres aux dogmes hollywoodiens qu’au lieu de susciter questionnements et réflexions, il s’égare dans un maelström de scènes pesamment illustratives et démonstratives .

Le parcours individuel des personnages de fiction tantôt affadit et s’affadit dans une bluette de roman-photo entre DiCaprio et Connelly tantôt se ridiculise par une rédemption sulpicienne du même DiCaprio, qui fait sourire de dépit ou glapir de rage devant l’inconscience d’un certain cinéma à s’obstiner à ramener l’essentiel au spectaculaire.

Peu de choses à dire des acteurs. Connelly a rarement été aussi banalisée, Djimoun Hisoun est modélisé en gentil-pêcheur-déterminé-à-tout-pour-retrouver-les-siens.
Quand à DiCaprio il roule pour qui ? Pour un rôle ou pour un prix ? Il est tellement dans la composition qu’on en oublie qu’il a naturellement du talent. Où est l’audace de Rimbaud (*) la fougue de Roméo (**), l’intériorité d’Arnie Grape (***) ?

Le complexe Jim Caroll de « The basketball diaries » de Scott Kalvert est devenue une masse (de chair et de muscles) prévisible, marionnettisée par les standards d’un grand studio américain.

Edward Zwick (« Glory », « The last samurai ») hésite peu entre la voie du pamphlet politique façon « Syriana » et celle du récit d’aventures façon « Les mines du Roi Salomon ». Il finit vite par opter pour la version rythmée de « La poursuite du diamant vert » (in specie rose).

Chacun est libre de s’en réjouir…ou de le regretter. (m.c.a)

(*) "Total Eclipse" d’Agnieszka Holland
(**) "Romeo + Juliet" de Baz Luhrmann
(***) "What’s eating Gilbert Grape" de Lasse Hallström