Comédie déjantée
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Coup de coeurADAM’S APPLES

Anders Thomas Jensen (Danemark 2005 - distributeur : Imagine Film Distribution)Corbeau d'or au Festival Fantastique de Bruxelles 2006 / Melies d'Or 2006 (MeilleurFilm Fantastique Européen)

Ulrich Thomsen, Mads Mikkelsen

93 min.
27 septembre 2006
ADAM'S APPLES

Des pommes de discorde à la pomme d’amour ou encore du Paradis Perdu au Paradis Retrouvé.

« Adam’s Apples » retrace le parcours de deux déjantés qui finiront par se rencontrer et s’apprécier. Adam sort de prison. Il n’a qu’un Dieu : Hitler. Il est accueilli, dans une maison de réinsertion sociale par Yvan, un pasteur qui a décidé de gommer de la Bible et de la vie (la sienne comprise), les passages qui ne correspondent pas à son fantasme d’un monde bon et harmonieux.

Le réalisateur, bien ancré dans ce cinéma scandinave qui privilégie l’humour excentrique et féroce (« Eggs » de Bent Hamer) superpose, à un récit apparemment loufoque, un questionnement qui pourrait désarçonner les pourfendeurs de « la foi à tout prix » de Diderot à Michel Onfray.

L’originalité de Jensen – qui fait de lui un véritable auteur – est de ne pas se perdre dans la complexité d’une réflexion épistémologique mais d’insérer celle-ci dans le concret d’une relation entre deux hommes que tout oppose : l’un brutal et autiste, l’autre compatissant et généreux.

De cette improbable conjonction pouvaient naître soit un insoluble paradoxe soit une immanente coïncidence proche du miracle pour laquelle Jensen optera. 
Non par simple hasard scénaristique mais par souhait, proche de la grandeur d’âme, de faire cohabiter deux folies qui finiront par enrichir chacun de ce qui lui manque : le sens de la réalité pour le bigot et le souci du prochain pour le délinquant nazi.

Le succès de ce film peut évidemment être attribué à sa mise en scène classieuse, au jeu de ses acteurs (tous de qualité), à son ton réjouissant et hors sentiers battus, à sa folie douce et irrévérencieuse mais il peut l’être aussi parce qu’il pointe, avec une délicatesse absurde, l’œuvre de Dieu et la part du Diable (pour reprendre le titre du beau roman de John Irving) qui gissent en chacun de nous prêtes à déranger mais aussi à s’échanger.

« Adam’Apples » ou une autre traduction de la Genèse chapitre III versets 3 à 20 dans laquelle l’inimitié, la rancœur et la malédiction sont remplacées par l’affection, le pardon et la solidarité.

Avec en prime pour les gourmands un discret hommage au « Festin de Babette » ce « divin » film de Gabriel Axel qui rappelle que la meilleure façon de préparer un gâteau est de le faire avec amour. (m.c.a)