Beverly Siegel au BJFF

La quinzième édition du Brussels Jewish Film Festival a eu lieu à Bruxelles au cinéma Galeries entre le 3 et le 9 mars 2013, proposant des oeuvres des quatre coins du monde qui concernent de près ou de loin la vie juive. À cette occasion, Beverly Siegel, écrivaine, journaliste et productrice américaine, est venue de Chicago pour présenter son documentaire « Women Unchained » (2011, 60’), co-réalisé avec Leta Lenik. La projection fut suivie d’un débat en présence de la réalisatrice et du Professeur Liliane Vana. Cinéfemme était là pour l’évènement.

Initié par Darryle Gillman qui lutta pendant un an et demi pour obtenir un document conforme à la loi juive pour sa fille et décida de rendre son calvaire public, ce projet explore la difficulté pour les femmes mariées selon la tradition juive d’obtenir un « get », mot hébreu pour désigner un document signé par le mari qui libère la femme du mariage, gagnant alors le statut de divorcée.

Cinq femmes juives se font les représentantes du nombre croissant et préoccupant (les chiffres sont peu nombreux à ce jour et souvent sous-estimés) de femmes qui se trouvent considérées comme « Agunah », coincées entre deux statuts attendant de reprendre le cours de leur vie. Elles témoignent de leur parcours du combattant pour obtenir de leur mari le get tant attendu. Battues, trompées, beaucoup ont cherché une porte de sortie désespérément. Certaines d’ailleurs l’attendent toujours. En effet, sans ce document, la femme ne peut se remarier au sein de l’ortho­doxie juive et, si des enfants naissent d’une union avec un autre homme, ils sont considérés comme juifs de seconde zone, enfants adultérins appelés « mamzèrim ».

Ne pas daigner signer ce papier pour leurs épouses est un moyen de pression extraordinaire pour les maris, qui s’adonnent sans vergogne au chantage affectif (garde des enfants) ou un moyen d’extorsion des plus efficaces (l’une des femmes témoignant a pu s’en sortir pour un peu moins de 500.000 dollars), une voie vers une vengeance cruelle à petit feu.

Toujours selon la loi juive, les tribunaux rabbiniques n’ont pas l’autorité pour prononcer le divorce. En effet, dans les textes juifs, il est précisé que la démarche va bien dans un seul sens : c’est l’homme qui épouse la femme et la femme qui accepte d’être épousée. Logiquement, il faut qu’il décide de la libérer de cette _union pour que celle-ci soit dissoute. C’est donc au mari d’initier le get. Pourtant, les tribunaux disposent de moyens légaux pour contraindre légalement les maris (dénonciation à la police, appel à la justice civile), moyens auxquels ils ne recourent malheureusement que très rarement.

Beverly Siegel explore ce parcours sinueux et plein d’embûches du statut de Agunah vers une nouvelle naissance, en y insufflant une bonne dose d’humour, persuadée que parfois, c’est le seul chemin pour se défendre (« sometimes, it’s the only way to fight back »), y perdant la force dramatique dont recelait ces parcours de femmes mais explorant un sujet méconnu et passionnant.

(Ariane Jauniaux)