Autour de la guerre
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SOP : STANDARD OPERATING PROCEDURE

Erroll Morris (USA 2008 - distributeur : Sony Pictures)
117 min.
25 juin 2008
SOP : STANDARD OPERATING PROCEDURE

Un film peut-il arrêter une guerre ? Une photo peut-elle changer le monde ? Bien sûr que non, mais l’un et l’autre peuvent ouvrir les yeux et les consciences sur ce qui se passe autour d’un conflit.

C’est ce que tente le cinéma américain résolument engagé contre le conflit US/Irak (pour ne citer que les plus récentes) des réalisations comme « In the valley of Elah » de Paul Haggis ou « Grace is gone » de James C.Strouse.

Brian de Palma dans son faux documentaire « Redacted » a eu le mérite d’attirer l’attention sur des images chocs - le viol d’une jeune irakienne - que l’Administration Bush, souvent avec la complicité des grands médias, tente de dissimuler au public.

Système de désinformation que Tim Robbins (*) dénonce, lui aussi, dans sa pièce de théâtre « Embedded » qu’il est venu présenter à la Cartoucherie de Vincennes.

C’est au tour maintenant d’Erroll Morris de monter au créneau avec ce film qui questionne une procédure d’interrogatoire, le SOP, à partir d’une série de photos prises par des soldats américains de détenus irakiens dans la prison d’Abu Ghraïb et du procès qui s’en est suivi

Le documentariste (**) va enquêter sur un modus operandi qui, par l’extension donnée à la notion de "nomalité" écorche les assises d’un pays démocrate : la séparation des pouvoirs, la responsabilité hiérarchique (***) et le droit au respect auquel tout individu peut prétendre même s’il est soupçonné de terrorisme.

Le travail d’Erroll Morris inscrit jusqu’à présent dans une démarche rigoureuse et soucieuse avant tout d’objectivité étonne dans « SOP ». Donnant l’impression d’une intrusion subjective et manipulatoire lors de scènes fictionnellement reconstituées.

Qui, alors qu’elles n’avaient pour seule intention que de crédibiliser le propos, mettent mal à l’aise. Et obscénisent, selon le terme employé par Rivette pour qualifier le dernier travelling superfaitatoirement tragique du film "Kapo" de Gillo Pontecorvo, ce qui n’a pas besoin de l’être.

Il y a des situations qui se nourrissent de leur propre horreur. En rajouter au niveau de la représentation c’est les couvrir d’une redondance inutile, voyeuse et déformante.

Comme si montrer la guerre au ras du bipède, mâle ou femelle, qui la mène, était tellement insupportable qu’il fallait trouver un dérivatif, celui du spectaculaire, pour tenir à distance cette évidence de la monstruosité dont l’humain est porteur.

Et qui n’attend qu’une occasion pour s’embraser.

Erroll Morris est venu présenter son film à Flagey. Un entretien avec le réalisateur est à lire dans la Libre Belgique du 25 juin 2008 en page 19.

« SOP » a obtenu, lors du festival de Berlin 2008, le Grand Prix du Jury présidé par Costa-Gavras. (m.c.a)

(*) Le réalisateur de « Bob Roberts » & « Dead man walking » qui a fait vœu, avec sa compagne Susan Sarandon, d’émigrer si le Sénateur John McCain remporte les élections présidentielles en cet automne 2008
(**) « A brief history of time » sur les théories du physicien Stephen Hawking, « The fog of war » un portrait de Robert McNamara qui, durant la guerre du Vietnam, joua un rôle clé en tant que Secrétaire à la Défense.
(***) Seuls les « troufions » ont été condamnés selon l’adage wallon, voué à une bien triste
Universalité « c’est toudi les p’tits qu’on spotche » 

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