Biopic
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SAGAN

Diane Kurys (France 2008 - distributeur : Lumière)

Sylvie Testud, Jeanne Balibar, Pierre Palmade, Denis Podalydès

122 min.
16 juillet 2008
SAGAN

Réaliser un film sur une personne ayant réellement existé est un pari pas si évident que cela à relever. Cela pose une foule de questions quant aux choix à effectuer tant au niveau des faits que l’on décide de montrer que de la manière dont on choisit de les porter à l’écran.

Diane Kurys relève ce pari avec succès. Choisissant comme figure centrale Françoise Sagan, Elle réalise un biopic [1] à la facture certes classique, mais qui a néanmoins le mérite de s’inspirer du style de la romancière tant sur le plan de la forme que du fond de son film.

Il est en effet fascinant de constater que la vitesse relativement déconcertante de « Sagan », son montage excessivement rapide, comme la construction extrêmement dynamique de ses plans, est terriblement proche du style même de l’auteure.

Un style qui ne s’embarrasse pas de descriptions fastidieuses, ni de faits périphériques multiples pour au contraire sur concentrer sur l’essentiel, sur les personnages et leurs ressentis.

Il en va de même pour la forme de ce film, qui rebondit de scènes en scènes, des moments les plus déterminants de la vie de Sagan comme on passe d’un chapitre à un autre de ses livres, avec agilité et facilité.

En ce qui concerne le sujet même de son film, il ne s’agit pas simplement pour Kurys de retracer la vie de Françoise Sagan, mais au-delà, de donner son point de vue, sa vision sur la vie tumultueuse de cette femme.

La réalisatrice opère là aussi le choix d’adhérer aux lignes de force de l’œuvre de l’écrivaine. Elle choisit comme thématique centrale à sa réalisation celle qui a sous-tendu le travail d’écriture de la romancière : la recherche désespérée de l’amour comme illusion à contrecarrer la solitude inévitable qui nous guette tous.

« La seule chose dont j’aurais peur, si cette horreur (la mort) nous arrivait, ce serait d’être seule dans une maison vide. Mourir, oui, mais mourir avec le nez dans le cou de quelqu’un pendant que la terre saute ou se détériore à jamais » [2]

C’est ce parcours là de Sagan que la réalisatrice met en image, plus que son travail d’écrivaine, que son rapport à la célébrité ou à l’argent. C’est cette course échevelée à la poursuite de l’amour, fuite qui se termine invariablement dans la solitude.

Et c’est donc un film à la fois sensible et empreint d’humour que nous livre Kurys, à l’image de la vie de Sagan, dénuée de respect pour les conventions, irrespectueuse de l’ordre établi, in intéressée par les luttes sociales, mais uniquement préoccupée par la volonté de vivre, d’expérimenter la vie sous toutes ses facettes, dans le bonheur inouï et puéril comme dans le malheur total et pathétique.

Film d’autant plus touchant qu’il est campé par une foule d’acteurs aussi justes que pudiques, Sylvie Testud en tête, dont le travail tant de la diction que de la physionomie est impressionnant.

Reste la question de savoir l’objectif poursuivi en réalisant un biopic. Celle de savoir ce que le film apportera à la réalité disparue, ce que l’imagerie offrira au souvenir, aux traces restantes de la femme Sagan.

« L’image photographique ou cinématographique ne vaut, comme l’image graphique ou picturale d’hier, que dans la mesure où elle donne le branle à l’imagination. Elle ne doit pas seulement montrer, mais suggérer pour prendre valeur éducative et puissance d’émotion » [3]

Si la réponse à cette question ne pourra être donnée que par chaque spectateur dans son individualité et dans son rapport intime au film, on ne peut nier que mettre sous les projecteurs la vie et l’œuvre de Françoise Sagan est une chose importante.

Car cette écrivaine tendait ces derniers temps à passer aux oubliettes, à faire partie des ouvrages se couvrant de poussière à force de n’être plus ouverts.

Avec ce film, Diane Kurys donne donc la possibilité de redécouvrir une auteure que l’on avait tendance à négliger. Ne fut-ce que pour cela, c’est un film à ne pas manquer. (Justine Gustin) 

[1] Biographical Picture
[2] Extrait de « Des Bleus à l’âme », page 77, édition J’ai Lu.
[3] Pierre Leprohon, « L’hagiographie à l’écran » (1962)